L’Istiqlal joue-t-il simplement son rôle de parti de l’opposition ou bien est-il engagé dans une campagne électorale (trop !) anticipée? La posture adoptée par le parti de la Balance depuis plusieurs mois, voire depuis l’avènement même du gouvernement El Othmani, ne laisse personne indifférent dans les milieux politiques, tant les sorties du parti contre l’Exécutif sont nombreuses. Elles sont si nombreuses que même le chef du gouvernement, d'habitude peu loquace face à ses détracteurs, est récemment sorti de ses gonds.
C’était lors d’une séance au parlement, lorsque les députés de l’Istiqlal ont accusé le gouvernement de prendre des mesures qui restreignent les libertés. Saâd-Eddine El Othmani leur a alors répondu sèchement en accusant à son tour les parlementaires de la Balance de propager des mensonges concernant la situation des droits de l’Homme au Maroc, alors que leur parti est responsable de bien des «misères» commises lorsqu’il a participé à différents gouvernements passés. Il a ajouté que les istiqlaliens critiquent la gestion de dossiers qu'ils ont eux-mêmes géré pendant longtemps.
C’est Al Ahdath Al Mahghribia qui s’intéresse, dans son édition du vendredi 11 décembre, à ce branle-bas de combat entre le gouvernement dirigé par le PJD et l’Istiqlal. Le quotidien revient ainsi sur les principaux sujets de discorde entre les deux partis, à commencer par la multiplication des missives «gênantes» que le parti de la Balance a adressées, directement ou indirectement, à l’Exécutif.
La première est celle où le parti dirigé par l’ancien ministre, Nizar Baraka, propose au gouvernement un plan de relance économique responsable pour faire face aux répercussions de la pandémie actuelle. Pour les Istiqlaliens, il ne s’agissait là ni plus ni moins que d’une feuille de route que l’Exécutif devait suivre pour sortir le pays de la crise. Ce plan était axé sur six «grands chantiers», touchant aux secteurs de la santé, de l’emploi, de la petite et moyenne entreprise, et même de l’investissement public. Bien entendu, le gouvernement n’ayant pas pris en compte cette proposition, ses députés ont de nouveau chargé l’Exécutif, l’accusant de négliger toute idée émanant de l’opposition.
Dans son article, Al Ahdath Al Maghribia cite également le cas de cette autre proposition, élaborée cette fois-ci avec deux autres partis de l’opposition que sont l’USFP et le PAM, et qui concernait la réforme des lois électorales. Transmise directement au ministère de l’Intérieur, celle-ci a finalement été prise en compte lors des dernières concertations avec les partis. Sauf que sur un de ses volets, à savoir celui du quotient électoral, l’Istiqlal a finalement adopté une position qui n’est pas totalement en ligne avec ce qui était proposé à l’Intérieur, mais une autre où le parti tenait à un calcul basé sur le nombre d’inscrits sur les listes électorales. Pour le quotidien, il s’agissait là clairement d’une réponse à l’entêtement du PJD –parti dont le chef du gouvernement est le secrétaire général - qui s’opposait à toute réforme à ce niveau.
D’ailleurs, au-delà des missives et correspondances, le dossier des lois électorales est le deuxième gros point de discorde entre l’Istiqlal et le gouvernement que dirige le PJD. Toujours d’après Al Ahdath Al Maghribia, le parti de la Balance n’a pas hésité à menacer d’un recours au parlement pour arbitrer la question du quotient électoral, et ce, à un moment où on commençait à entrevoir un accord entre les différentes formations politiques pour dépasser le blocage provoqué par la position du PJD sur cette question. C’est d’ailleurs le secrétaire général du parti qui a lui-même évoqué cette hypothèse, donnant ainsi la preuve qu’il s’agit d’une option étudiée au niveau des instances dirigeantes de la Balance.
L’autre sujet dont s’arment Nizar Baraka et son parti pour s’attaquer au gouvernement, c’est le manque de cohésion entre les différentes composantes de la majorité. Pour eux, les divergences de points de vue lors de la discussion de la réforme des lois électorales sont en fait les prémices de ce qui se passe réellement au sein de la majorité. Ceci constituerait une entrave majeure à la pertinence de l’action gouvernementale, notamment sur les grands dossiers qu’il a à gérer.
Ces sujets et tant d’autres sont aujourd’hui clairement mis en avant par l’Istiqlal pour s’attaquer à l’Exécutif. Mais au regard de la virulence de cette opposition, l’on se demande s’il ne s’agit-là que du rôle qu’est tenu de jouer le parti de la Balance, ou bien s’il y a d’autres enjeux politiques qui se cachent derrière.