Hamid Chabat qui, en secret, aime qu’on le compare à Lech Walesa, le célèbre syndicaliste et ex-président polonais, croyait décrocher la lune. Il dégringole au contraire de manière fatale et le vide se fait autour de lui. Mais, avant d’en arriver là, l’homme a un parcours surréaliste
Nous sommes en août 1953, trois jours avant l’exil de Feu Mohammed V par les autorités coloniales. Le foyer des Chabat voit venir Hamid. La famille vit modestement sous l’aile d’un père très pieux (il était fqih) dans cette localité dénommée Branes (région de Taza) qui sépare le Moyen-Atlas du Rif.
L’école coranique est obligatoire. Après des études au lycée, commence l’épopée Chabat.
A l’assaut de FèsDiplômé du lycée technique de la capitale spirituelle, Hamid Chabat intègre la SIMEF (Société des industries mécaniques et électriques de Fès), d’où son surnom de «Sikliss» (lire cycliste, réparateur de motocycles).
Commence alors une longue carrière de syndicaliste qui va lui ouvrir toutes les portes, celles de la gloire, puis de l’enfer.
L’UGTM (Union générale des travailleurs au Maroc, pro-PI) faisait la pluie et le beau temps à la SIMEF comme dans plusieurs secteurs d’activité à Fès et ailleurs. Hamid Chabat y est comme un poisson dans l’eau sous le regard bienveillant et l’aile protectrice de Titna Alaoui, l’un des leaders de la centrale syndicale et du PI.
Mais il veut plus que pouvoir bloquer l’activité de la SIMEF. Il se lance dans une première expérience électorale à Zouagha-Moulay Yaâcoub. Elu haut la main, il devra affronter l’épreuve de décembre 1990.
Hamid le pyromaneNous sommes le 14 décembre 1990. La CDT et l’UGTM appellent à une grève générale. Feu Hassan II voit rouge et avec raison. Des actes de vandalisme ont lieu dans plusieurs villes, mais Fès est la plus touchée. Plusieurs usines sont incendiées, de même que des établissements touristiques. L’armée intervient pour ramener le calme. Hamid Chabat, dont la tête est mise à prix, devient une légende.
Condamné par contumace à une lourde peine, il disparaît dans la nature. Un épisode de cavale sur lequel il tient toujours à faire l’impasse.
Pyromane, le SG a des cadavres plein les armoires. Avec une préférence pour les proches, les parrains d’abord.
Sa première victime s’appelle Mohamed Moufdi qu’il débarque de la présidence de l’arrondissement de Zouagha-Moulay Yaâcoub.
En 1997, il arrache un siège au Parlement, fort du réseau qu’il a constitué et de l’aide de Mhamed Douiri.
Maire de Fès, c’était son rêve. Il le réalise en 2003 avant de commencer un autre sanglant parcours.
Lahcen Daoudi, ancien ministre islamiste de l’Enseignement supérieur, en sait quelque chose, lui a dû abandonner Fès pour s’exiler électoralement à Béni Mellal.
En 2006, Hamid Chabat tente un véritable putsch et prend la tête de l’UGTM après avoir éjecté Abderrazak Afilal.
Ce genre de putschs, il les fait sans états d’âme. Et sans hésiter sur le choix des armes, la calomnie étant l’une des plus terribles.
Benjelloun Andaloussi est «intronisé» à la tête de l’UGTM, mais fait face à l’accusation d’avoir détourné de l’argent. Sans trop de manières, il est remplacé par Mohamed Kafi Cherrat, un autre homme de confiance de ceux dont aime user Chabat.
La descente aux enfersEn 2012, Hamid Chabat réalise un autre grand rêve: présider aux destinées du «parti des Fassis» qu’il n’a jamais vraiment aimé. Un an plus tard, il décide de quitter le gouvernement Benkirane. «C’est une décision qu’il a pris tout seul», se souvient un dirigeant du PI, mis au ban depuis.
En 2015, à l’occasion des élections communales et régionales, le PJD administre une raclée à Chabat en la personne de Driss Azami Idrissi, ex-ministre du Budget, qui s’est emparé de la mairie de la capitale spirituelle.
Quant à Bab El Azizia (surnom donné au siège central du parti à Rabat, en allusion à la forteresse de Kadhafi), elle était restée hors de portée.
Début 2017, alors que le Maroc menait une grande bataille diplomatique pour préparer son retour au sein de l’Union africaine, Hamid Chabat n’a pas trouvé mieux que de susciter la colère du voisin du Sud avec de graves déclarations sur les frontières.
Désavoué par les siens, les sages du parti en premier lieu, il clame à qui veut l’entendre qu’il fait l’objet de quelque complot. Et plus grave encore, il laisse insinuer que des parties chercheraient carrément à le liquider physiquement.
«Il est dans son délire de tous les jours, mais là, il a été très loin et cela porte atteinte à notre parti», commente un dirigeant de l’Istiqlal.
Hamid Chabat, beaucoup d’Istiqlaliens vous le diront, est un homme fini. Les militants du PI aimeraient tourner sa page à l’automne prochain à l’occasion du Congrès national. Mais lui fait tout pour se maintenir.
*Marassa désigne cette place qui abrite le siège historique du PI à Bab El Had-Rabat