Depuis dimanche 9 février, Abdellatif Ouahbi réalise un vieux rêve: il devient le patron de la deuxième force politique du pays (102 sièges à la Chambre des représentants). Il a été élu après le retrait de cinq candidats au poste dont l’ex-SG et ancien ministre de la Santé, Mohamed Cheikh Biadillah. L’habit serait-il trop grand pour cet orateur hors pair?
Une jeunesse socialiste
La soixantaine bien entamée, Abdellatif Ouahbi est né à Agadir dans une famille originaire de Taroudant. Son père, notable du Souss, a épousé une Rifaine. «D’où peut-être son tempérament fougueux, à la limite bagarreur», commente une de ses vieilles connaissances.
Son engagement politique remonte à son enfance. Le domicile parental, comme celui de beaucoup de notables de la région, était constamment ouvert aux personnalités nationalistes et notamment à l’UNFP, ancêtre de l’USFP.
En parallèle avec ses études de droit, Abdellatif Ouahbi fourbit ses armes à gauche. Son «parrain» n’est autre que Feu Ahmed Benjelloun qui a claqué la porte de l’USFP début des années 1980 pour créer, avec d’autres militants dont Me Abderrahmane Benamrou, le Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste (PADS, opposition).
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Sa carrière politique prendra un autre tournant quand il est approché par le PAM, lui qui n’est pas passé par la phase «Mouvement pour tous les démocrates» (MTD), la matrice du parti fondé en 2008. Me Ouahbi est convaincu qu’en matière de politique, rien n’est définitif. Jamais tranché une fois pour toutes. Et il l'applique bien au PAM. Dans une circonscription coupe-gorge comme Taroudant-Nord, il arrive à se faire élire, en 2011 et en 2016. Son charisme y est pour beaucoup, l’appartenance familiale aussi.
Un avocat à gauche
Sa carrière politique est allée de pair avec son engagement politique. À l’image d’un Driss Lachgar que Me Mohamed Elyazghi a pris sous son aile au début de sa carrière d’avocat, Abdellatif Ouahbi fait ses premiers pas au cabinet de Feu Me Ahmed Benjelloun. Avocat prospère, il n’hésite pas à défendre les grandes entreprises comme les individus poursuivis en vertu de la législation antiterroriste. Dans les débuts des années 2000, il partageait pratiquement ses journées entre la Cour spéciale de justice (CSJ, abolie, qui jugeait les grandes affaires de détournement ou de drogues) et la Cour d’appel à Hay Riad.
Pour se reposer, il choisit généralement son cabinet: une somptueuse villa au quartier des Orangers où il se réserve l’étage, luxueusement meublé, à lui seul. Et à son secrétaire particulier, car il en a un, un ancien journaliste arabophone. Orateur endurci, il lit beaucoup et écrit régulièrement des chroniques ou des tribunes dont il inonde les journaux. Il vient même de publier, à son compte, un recueil de ses écrits consacrés à plusieurs questions politiques.
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Au PAM, il avait de sérieux différends avec Ilyas El Omari et il est allé jusqu’à remettre sa démission au moment où ce dernier avait démissionné sans réellement quitter la direction du parti. C’était en octobre 2017. Quand il a réintégré le parti, le courant n’est jamais passé non plus avec Hakim Benchemmach. Avec d’autres dirigeants, il lui a toujours reproché son mode de gestion. Les choses ont dégénéré entre les deux clans quand fut mis en place «Le Groupe de l’Avenir», avec des procès à la clé et Abdellatif Ouahbi aux premières lignes en tant qu’avocat.
Vendredi 7 février, quand le 4e congrès national s’est ouvert dans le chaos, le clan de Ouahbi manoeuvrait dans les coulisses pour lui paver le chemin du secrétariat général. Et c’est sûr qu’il pourra travailler à l’aise avec un Conseil national (parlement du parti) acquis à sa cause et présidé par Fatima Ezzohra Mansouri.