Commençons déjà par planter le décor. Ces six nominations ont été décidées en décembre 2019, mais n’ont donné lieu à une grande polémique qu’après leur officialisation, avec la publication des six noms au Bulletin officiel du 10 août.
Saâd-Eddine El Othmani a désigné trois membres: Driss Chater; Mohamed Mahroug et Mohamed Bernannou (nommés par décret). Habib El Malki en désigné trois autres: Mustapha Ajjab, Ahmed El Mehdi Mezouari et Srhir Baâli, tous issus de l’USFP. Et, finalement, Hakim Benchamach en a nommé autant, et tous du PAM: Ahmed Touhami, Mohammed Baddir et Khalid Hannioui.
Cette autorité sera ainsi composée de dix membres et aucune femme n’y siégera. Mais ce qui intrigue le plus, c'est le mode retenu par les présidents des deux chambres pour nommer les six membres de l’ANRE. Pourquoi eux, et quel est leur parcours respectif?
La «katiba» de Driss Lachgar et Habib El Malki
1. Ahmed Mehdi Mezouari
Malgré son jeune âge (40 ans), il s’est imposé comme une figure politique de premier plan à Mohammedia, ville où il est né.
«Tombé» dans la marmite USFP dès son enfance, Ahmed Mehdi Mezouari est le fils de celui que tout le monde appelle Lhaj Lahcen, un ittihadi jusqu’à la moelle qui a participé, en tant qu’élu, à la gestion des affaires de la ville dans les années 1980, à l'époque glorieuse des socialistes à Mohammedia.
Ahmed Mehdi Mezouari a gravi les échelons du militantisme au sein de l’USFP: Chabiba, section locale, Conseil national et puis sa direction puisqu’il est membre du Bureau politique.
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Très proche de Driss Lachgar, il a été élu député pour 2011-2016 sur la liste nationale des jeunes. Parfaitement bilingue et bon orateur, il a mené avec succès la liste de l’USFP à Mohammedia lors des municipales de 2015, en remportant 10 sièges (22 pour le PJD).
Au Parlement, Ahmed Mehdi Mezouari était l’un des élus les plus assidus et les plus actifs. Mais il n’a rien à voir avec le secteur de l’énergie en général et de l’électricité en particulier. De formation économique, il travaille dans le secteur de l’assurance, avec plus de bas que de hauts. Sa proximité avec Driss Lachgar a été un atout majeur. Sinon le plus déterminant.
2. Mustapha AjjabComme Ahmed Mehdi Mezouari, Mustapha Ajjab est à des années lumière du secteur de l’électricité. Avocat exerçant à Chefchaouen depuis trois décennies, il y est aussi une figure politique de premier plan, malgré le raz-de-marée des islamistes dans la ville la plus instagrammée du Maroc.
Pourquoi lui? «C’est l’un des hommes-clefs de Driss Lachgar au Nord, tout comme le sont les membres de la famille Karkri à Larache par exemple. Sans ces figures, l’USFP serait un vague souvenir dans ces localités», nous explique un ancien dirigeant du parti de la Rose.
Et pour tout travail (bien) accompli, une récompense. Mustapha Ajjab quittera son cabinet d’avocat pour un poste plus confortable et surtout mieux rémunéré à Rabat.
3. Sghir BaâliIngénieur d’Etat, il ne s’y connaît ni en watts, ni en atomes. Né en 1960, Sghir Baâli est ingénieur agronome qui, après ses études, a fait l’essentiel de sa carrière dans le département de l’Agriculture. Pendant plusieurs années, il a dirigé la délégation provinciale de ce ministère à Settat avant d’être rappelé à Casablanca où il travaille toujours.
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Membre très actif dans le secteur des ingénieurs de l’USFP, Sghir Baâli a été candidat du parti de Driss Lachgar aux élections législatives de 2016 dans la circonscription casablancaise de Aïn Chock. Sans pouvoir décrocher son ticket pour l’hémicycle.
Connu aussi dans le milieu associatif de la métropole, il préside aux destinées d’une ONG: «Eau et énergie pour tous».
«Sur les trois profils socialistes nommés par El Malki, il est le plus calé, le plus méritant», affirme un dirigeant de l’USFP. Mais être «calé» ne suffit jamais. Sghir Baâli, pour services rendus, est dans les bonnes grâces de Driss Lachgar.
Les ennemis des ennemis de Benchamach
1. Ahmed Touhami
Docteur en criminologie, Ahmed Touhami aura lui aussi beaucoup à apprendre sur le secteur de l’électricité. Mais il avait un atout majeur: avoir mené une guerre atroce contre les ennemis de Hakim Bechamach, ex-secrétaire général du PAM et actuel président de la chambre des conseillers, qui l’a propulsé à l’ANRE.
Ahmed Touhami, ex-député de Mdiq-Fnideq (2011-2016), après en avoir été le maire, a été aux premières lignes dans le conflit (judiciaire, entre autres) avec le clan d’Abdellatif Ouahbi.
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L’ex-député et ancien dirigeant du PAM a présidé le comité préparatoire du 4e congrès du PAM, doublé d’un autre comité dirigé par Samir Koudar, bras droit de Ouahbi. La justice avait tranché pour ce dernier camp.
Les seules connaissances dont on pourrait accréditer Ahmed Touhami en matière d’énergies est le fait qu’il ait présidé, au Parlement, la commission des Infrastructures, de l’énergie, des mines et de l’environnement.
Lundi dernier, il a présenté sa démission du conseil communal de Mdiq-Fnideq, ce mandat électif n’étant pas cumulable avec la fonction de membre de l’ANRE.
Moralité de l’histoire: dans la vie, il faut bien choisir ses amis et ses ennemis.
2. Mohammed Baddir
En étant nommé à l’ANRE, il prend en quelque sorte sa grande revanche sur Abdellatif Ouahbi qui a demandé, et obtenu, son limogeage en tant que conseiller auprès des élus parlementaires du PAM.
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Retraité du ministère de l’Economie et des finances, Mohammed Baddir est un expert reconnu en finances publiques. A ce titre, il a été, selon nos sources, d’une grande utilité (comme personne-ressource) aux élus du PAM lors de l’examen des lois de finances par exemple.
Membre du Conseil national, et militant plutôt discret, il aura droit à une retraite dorée grâce à Hakim Benchamach.
3. Khalid HanniouiVoilà enfin quelqu’un dont l’apport pourrait être d’une grande utilité à l’ANRE. Khalid Hannioui, docteur d’Etat en matière d’énergies, est un cadre de l’Office national de l’électricité et de l’eau (ONEE, branche électricité).
Contrairement à ce qu’avait avancé Hakim Benchamach, il est bel et bien membre du PAM, et ce, depuis plusieurs années.