La violence dont ont fait usage les forces de l’ordre hier, à Rabat, pour disperser une manifestation, non autorisée, est inacceptable. La répression violente, qui s’est abattue de façon aveugle sur les citoyens lambda, les militants des droits de l’Homme et les journalistes, entache les efforts engagés, depuis l’avènement du roi Mohammed VI, dans la promotion d'une culture des droits de l’Homme au Maroc. Certes, l’usage de la force dans la dispersion d’une manifestation non autorisée est légitime et en vigueur dans de nombreux pays démocratiques. En France, par exemple, les manifestations sur la voie publique sont soumises à une autorisation préalable et le code pénal autorise la dissipation par la force des manifestations non autorisées. Il ne s’agit pas de remettre en question le bien-fondé du maintien de l’ordre et encore moins de pointer du doigt le mérite des hommes qui veillent sur l’ordre. La question, ce sont les méthodes employées par les forces de l’ordre et, en dernier recours, le dosage de l’utilisation de la force quand il s’agit de disperser ou de déloger des manifestants.
Le mode opératoire doit changer
Or, il est temps de reconnaître que le mode opératoire des forces de l’ordre n’a pas montré de changement, alors que le pays a bien évolué et qu'une culture des droits de l’Homme s'est développée dans la conscience collective depuis plus d’une décennie. Ce mode opératoire s'exerce en deux temps : dans un premier temps, sommations et intimidations physiques visent à empêcher le rassemblement; puis un signal est lancé contre les manifestants réfractaires alors roués de coups de matraques. Cette façon de faire -répressive- replonge dans le passé un pays tourné vers l’avenir. Cette façon de faire jure avec les réformes à tous crins, engagées depuis 1999. Ces pratiques devraient être abandonnées au profit d’une nouvelle approche du maintien de l’ordre plus en adéquation avec la culture des droits de l’Homme et les visées de ce grand réformateur qu’est le roi Mohammed VI.
L'affaire du pédophile espagnol Daniel Galvan, gracié à l’occasion de la fête du trône, continuera de pousser les citoyens à manifester tant que l’ouverture d’une enquête officielle n’aura pas déterminé les responsabilités et identifié la partie qui a soumis au chef de l’Etat cette liste sans faire les investigations d’usage. Avoir négligé d’alerter le souverain sur la nature des actes commis par le pédophile espagnol est impardonnable. Il est normal que les auteurs de cette négligence rendent des comptes. L’on sait d’avance que cela ne suffira pas à calmer l’ardeur des personnes qui se sont emparées de cette affaire à des fins politiciennes, en laissant exploser leur haine de l’institution monarchique. A ceux-là, nous opposons un vieux proverbe arabe : "les chiens aboient, la caravane passe". Le chemin de cette caravane sera d’autant plus serein si les procédures d’obtention de la grâce royale et les méthodes d’intervention des forces de l’ordre venaient à être réformées rapidement.