A la veille de la réunion du Conseil de sécurité sur le Sahara, prévue le 29 octobre prochain, voilà un couac diplomatique dont le Maroc se serait bien passé. Le 25 septembre dernier, en marge de la 73e Assemblée générale de l’ONU, à New York, le chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, a rencontré le chef de la diplomatie du Kosovo, en dépit du fait que ce pays n’est toujours pas reconnu par l’ONU en tant qu’Etat membre, pas plus d’ailleurs que par le Maroc qui n’a établi à ce jour aucune relation diplomatique avec «l’entité kosovar».
Quel enjeu pouvait donc représenter cette rencontre pour le Maroc, au moment où notre diplomatie mène une offensive tous azimuts pour recueillir davantage d'adhésion et de soutien à la marocanité du Sahara? A l’évidence, aucun. A part ce risque auquel cette rencontre a exposé le Maroc de s’aliéner le soutien de la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, et qui observe jusqu'ici "une neutralité positive" dans le dossier du Sahara, et de la république de Serbie qui a réaffirmé, pas plus tard que le 12 septembre dernier, lors d’une visite du MAECI Nasser Bourita à Belgrade, son soutien à l’intégrité territoriale du Royaume du Maroc.
A toutes fins utiles, il faut préciser que le Kosovo avait proclamé son indépendance de la république de Serbie, le 17 février 2008. Cette décision, prise unilatéralement, n’a eu depuis aucun effet du point de vue "droit international", puisque l’entité n’est toujours pas reconnue par l’ONU.
Le "piège" kosovar...Cette précision étant faite, surgissent moult questions: El Othmani a-t-il été «piégé» par le «MAE» du Kosovo, en l’occurence Behgjet Pacolli, ancien «président» du Kosovo? Pourquoi ce dernier a-t-il soigneusement évité de demander à rencontrer son homologue marocain, Nasser Bourita, qui était aussi présent aux travaux de la 73e Assemblée générale de l’ONU? «Le Maroc n’a jamais reconnu le statut du Kosovo, idem pour la Serbie qui ne reconnaît pas l’entité "Rasd", malgré une intense action de lobbying de la part d’Alger», précise à le360 une source diplomatique qui a souhaité ne pas être citée.
Une chose reste sûre: cette rencontre a froissé Serbes et Russes. Et ce n’est pas cet article très critique dont s’est fendu le site russe «Sputnik» qui dira le contraire. «Impair kosovar du PM marocain: Un Premier ministre ne devrait pas faire ça», titre la publication proche des hautes sphères du pouvoir en Russie. «Alors qu’il fait feu de tout bois pour chercher des soutiens dans l’affaire du Sahara, le Maroc a froissé ses partenaires serbes et indirectement russes», déplore la même source.
Au nom de quelle logique Saâd Eddine El Othman s’est-il donc autorisé une rencontre avec le responsable d’une entité indépendantiste, tout comme le Polisario? A l’évidence, aucune. A part que le chef du gouvernement n’en est pas à son premier «antécédent diplomatique», il a commis bien d’autres couacs durant son très court mandat en tant qu’ancien chef de la diplomatie marocaine (3 janvier 2012-10 octobre 2013).
El Othmani, d’un couac diplomatique à l’autreRappelez-vous: en 2013, M. El Othmani, alors chef de la diplomatie sous le mandat de Benkirane, a failli créer une grave crise avec le Koweït, un «allié traditionnel» du Maroc. Lors d’une visite officielle dans cet émirat du Golfe, le ministre «islamiste» des Affaires étrangères a assisté à une réunion des Frères musulmans, suscitant ainsi l’ire des autorités koweïtiennes.
Cet impair diplomatique avait suscité un tollé de ce côté-ci, tant et si bien que M. El Othman n'avait pas tardé à quitter la tête du département sensible des Affaires étrangères, un certain 10 octobre 2013.
Mais passons, car ce n’est pas encore terminé. Le 13 avril 2012, M. El Othman s’était déplacé à Alger pour assister aux obsèques de l’ancien président algérien Ahmed Ben Bella. Mais c’était sans compter sur l’esprit retors des apparatchiks algériens octogénaires, qui lui avaient tendu un piège en plaçant derrière lui, lors des funérailles, l’ancien chef du Polisario, feu Mohamed Abdelaziz. Ce n’est qu’après coup que la délégation marocaine conduite par M. El Othmani s’est rendue compte du guet-apens, pour se retirer précipitamment.
Saâd Eddine El Othmani n’était pourtant pas sans savoir que le chef du Polisario devait certainement «s’inviter» à ces obsèques à Alger, qui reconnaît, soutient, finance et arme la «Rasd» et voue une hostilité féroce à l’intégrité territoriale du Maroc. Sur quel compte peut-on mettre cette bévue criante? L’ancien MAE, actuel chef de gouvernement, peut-il être «naïf» à ce point? Il va de soi que son attitude est coûteuse du point de vue de la diplomatie où chaque mot, chaque geste, doit être calculé et mesuré.