Les partis de la coalition gouvernementale et leurs dérivés syndicaux et associatifs ont commis de graves erreurs en mobilisant leurs partisans dans des meetings où ils se sont échangés insultes et accusations. Ils ont tous versé dans la critique des mesures prises par le gouvernement et dans de viles manigances pour montrer la faiblesse de leurs «alliés». Ces guerres sont menées par plusieurs dirigeants des partis de la majorité, notamment ceux qui n’occupent aucun poste ministériel et qui aspirent au statut de ministrables lors d’un éventuel remaniement ministériel.
Parmi les plus virulents détracteurs du gouvernement on trouve aussi ceux qui ont été marginalisés, et à leur tête Abdelilah Benkirane. Ce dernier a commencé à proférer des injures et à accuser les alliés de son parti depuis qu’il n’est plus chef de gouvernement. Il n’a raté personne, y compris le chef de gouvernement Saad-Eddine El Othmani, qu’il taxe tantôt de personnalité faible qui fuit la confrontation, tantôt de politicien qui ignore les manœuvres de ses adversaires.
Le quotidien Assabah rapporte, dans son édition de ce lundi 21 janvier, que Benkirane n’a toujours pas digéré psychiquement son éviction de la tête du gouvernement. Il a ainsi déclaré une guerre féroce à son ami El Othmani pour faire tomber le gouvernement en essayant de mêler la personnalité du roi à ses manœuvres politiques. Lesquelles manœuvres visent à diviser la majorité en s’attaquant à ses alliés pour mettre dans l’embarras les ministres du PJD. Ces derniers lui ont d’ailleurs demandé d’arrêter ces agissements. Les ministres PJDistes ont beau essayer de justifier les sorties tonitruantes de Benkirane, ce dernier n’hésite plus à tirer à boulets rouges sur tout ce qui bouge, y compris sur le plus proche de ses amis.
Il a d’ailleurs profité d’une rencontre de Saad-Eddine El Othmani avec les étudiants de l’ISIC pour fustiger la majorité gouvernementale. Il s’est empressé, sciemment, à publier son intervention en direct sur Facebook pour critiquer les dernières mesures gouvernementales. Benkirane a affirmé que le Maroc s’apparente aux pays qui vivent dans l’anarchie à cause de la persistance de la corruption et des corrompus en indiquant que «Sa Majesté est en colère et il l’a fait savoir en évoquant les partis politiques et l’administration.» Et d’ajouter : «Vous ne pouvez pas continuer à regarder le roi car s’il a fait appel à vous, c’est pour que vous soyez au service du peuple». Une phrase qui sonne comme une réponse à son ami El Othmani qui, lors de son intervention devant les étudiants de l’ISIC, les a incités à être optimistes en évoquant les mesures prises dans le projet de la loi de finances 2019.
Le chef du gouvernement a mis l’accent sur la hausse de 27 milliards de dirhams des budgets socioéconomiques ainsi que sur l’augmentation des postes d’emplois. El Othmani ne s’est pas contenté des chiffres, il a fait une comparaison avec ses prédécesseurs en matière de création d’emplois: «Le gouvernement Jettou a créé 41.000 postes en cinq ans, celui d’Abbas El Fassi 71.000 en quatre ans et celui de Benkirane 116.000 en cinq ans. Notre gouvernement a créé 98.000 postes en une année et demie, ce qui constitue un record jamais égalé».
Benkirane s’est attaqué à ses alliés et à leur tête le président du RNI, Aziz Akhannouch, auquel il a demandé de quitter le domaine politique, arguant qu’il est un acteur économique. Le ministre des Affaires générales et de la gouvernance, Lahcen Daoudi, n’a pas hésité à interpeller Benkirane lors de la réunion du secrétariat général du PJD en l’exhortant à «trouver un emploi au lieu de s’attaquer au gouvernement et à ses alliés». El Othmani a rejeté les allégations de Benkirane en affirmant que le gouvernement ne tombera pas dans le piège des surenchères politiques. Certes, ajoute-t-il, la majorité connaît des divergences mais elle ne vit pas de crise.
Ceci étant, les tirs croisés médiatiques entre les dirigeants de la coalition gouvernementale sont devenus un objet de dérision au sein de l’opposition et des citoyens. A tel point que l’istiqlalien Noureddine Mediane s’est proposé comme médiateur pour essayer de mettre fin à leurs luttes intestines. Car, estime certains observateurs, si les partis de la majorité continuent à se saborder, ils risquent d’occuper les derniers rangs lors des prochaines élections.