L’augmentation des prix à la pompe, en raison de la conjoncture internationale, a remis sur le devant de l’actualité l’épisode du dossier des hydrocarbures en relation avec le Conseil de la cooccurrence. Le nouveau président du Conseil, Ahmed Rahhou, tient à rassurer, le dossier n’est pas encore clos. Seulement, sur ce dossier et bien d’autres, Rahou tient surtout à mettre les points sur les «i».
Dans un entretien qu’il a accordé au quotidien Al Ahdath Al Maghribia et publié dans son édition du jeudi 26 mai, il veut apporter une précision de taille sur cette affaire en particulier. Certes, le dossier est toujours ouvert, mais son instruction ne saurait en aucun cas être affectée par la conjoncture actuelle et la situation des prix aujourd’hui.
Ceci dit, le Conseil compte examiner à nouveau ce dossier une fois que la nouvelle loi relative à la liberté des prix et de la concurrence sera promulguée. Le projet de loi a déjà été validé en conseil de gouvernement, il faut donc attendre son adoption par le Parlement. Or, relève le président du Conseil, se pose là une question fondamentale qui concerne le principe de la non-rétroactivité de la loi. On se demandera sans doute si la nouvelle loi sera appliquée à une affaire qui lui est antérieure. Ahmed Rahhou estime dans ce cas précis, que les griefs et les accusations retenus contre les opérateurs économiques cités dans le dossier ne peuvent être changés par la nouvelle loi. Cependant, si la nouvelle loi vient remettre en cause le bien-fondé de ces accusations, ou certaines d’entre elles, c’est une autre affaire. De toutes les manières, le Conseil va statuer sur le dossier selon les dispositions de la nouvelle loi.
Dans tous les cas, souligne le président du Conseil, il est clair que la première instruction ayant été entachée par des irrégularités, le dossier sera instruit à nouveau depuis le début à la lumière de la nouvelle loi. Le président de cette institution constitutionnelle a d’ailleurs insisté auprès du gouvernement sur l’impératif du renforcement de l’indépendance du Conseil. Ce n’est qu’ainsi que les droits de chacune des parties seront préservés.
Rahou affirme que personnemlement, il ne souhaite pas que le Conseil soit doté du pouvoir discrétionnaire sans pouvoir se rapporter des règles normatives bien précises et clairement définies. Restant sur ce sujet de la flambée des prix de plusieurs produits de grande consommation, le président du Conseil affirme qu’il y a un suivi permanent de trois types de produits qui dépendent tous de l’importation. Les produits alimentaires, les produits énergétiques et leur impact sur le transport et les matières premières qui entrent dans la fabrication des matériaux de construction. Comme tout le monde le sait, les prix du pétrole et du gaz ont augmenté considérablement et ceux du blé ont presque doublé. Le Conseil prépare un avis sur le sujet.
Il planche également sur les marges de bénéfice des sociétés pour savoir si ces dernières ont indûment augmenté ou, au contraire, ont rétréci. L’objet du premier avis sur lequel il travaille actuellement est de répondre à la question suivante: y a-t-il une relation directe entre l’augmentation des prix sur le marché national et les cours au niveau international ?
En parallèle, le Conseil entamera une étude des prix depuis 2018 et tentera de vérifier s’il y a eu un quelconque rapport entre le niveau des prix et une éventuelle entente entre les sociétés et les opérateurs privés ou même des situations de monopole de fait. Bien sûr, même s’il reconnaît que la cherté des prix est un grand problème, le président du Conseil tient à préciser que les questions liées au pouvoir d’achat des citoyens ne relèvent pas des compétences de cette institution. Cela relève des attributions économiques et sociales du gouvernement. C’est au gouvernement de prendre les mesures qu’il juge nécessaires dans ce sens, y compris le plafonnement des prix.
En parlant justement de ce mécanisme, Ahmed Rahhou relève que le gouvernement peut faire recours au plafonnement des prix, mais après avoir consulté le Conseil de la concurrence. Et d’ailleurs, en septembre dernier, le gouvernement a consulté le Conseil avant de procéder au plafonnement des tarifs des tests PCR qui ont été ramenés à 400 dirhams. Le conseil a évidemment donné son avis favorable, mais ce n’est pas automatique. La principale préoccupation de l'institution est la préservation de l’économie nationale. Le responsable politique peut prendre une décision du genre, mais si elle peut affecter la santé économique d’un secteur, elle risque d’être rejetée par le Conseil qui, lui, doit avoir une vision globale sur tous les pans de l’économie. Si au-delà d’un délai donné, cette opération ne permet pas l’entrée de nouveaux acteurs dans le domaine visé, ce qui n’est pas dans l’intérêt du consommateur, la décision est révisée.
Dans le cas des PCR, six mois après la décision de plafonnement des tarifs, le Conseil a effectué une étude sur le secteur. Et comme il a constaté que cette décision n’a pas eu d’impact négatif sur le secteur, il a accepté de la reconduire pour six mois supplémentaires. Après ce délai, il y aura certainement une augmentation des tarifs.
Dans tous les cas, ce que le Conseil craint le plus, ce sont les subventions publiques. Quand le gouvernement subventionne un produit donné, le carburant pas exemple, il est clair que tout le monde va en bénéficier, et pas seulement les personnes au faible pouvoir d’achat.
Sur un tout autre registre, mais toujours dans le cadre de la flambée des prix, le président du Conseil de la concurrence assure que, pour le moment, on ne peut rien reprocher à aucun acteur économique ou entreprise. Tout le monde est affecté par la hausse des prix des intrants et des matières premières. La plupart des acteurs économiques hésitent à impacter ces hausses sur leurs prix de peur que leurs clients aillent chez la concurrence. Ce qui est somme toute normal. Ce qui ne l’est pas et qui peut même être dangereux, c’est quand il y a entente des acteurs économiques sur les prix et la marge bénéficiaire. Cela est répréhensible. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé lorsqu’une association professionnelle a annoncé dernièrement une augmentation générale des tarifs. Décision sur laquelle elle a fini par revenir après une mise en garde du Conseil.
Dans ce grand entretien accordé à Al Ahdath Al Maghribia, le président du Conseil de la concurrence a évoqué de nombreux thèmes, depuis les attributions et le rôle de cette institution jusqu’aux délais de paiement en passant, entre autres, par la coopération internationale.