La géopolitique est en train de changer radicalement à quelques dizaines kilomètres de ses frontières. C’est une réalité à laquelle l’Espagne ne s’attendait pas et qu’elle n’accepte qu’à son corps défendant. La reconnaissance américaine de la marocanité pleine et entière du Sahara, qui est, il faut le dire, le fruit d’un long processus démocratique conduit avec tact et patience, semble avoir pris au dépourvu le voisin du Nord et l’ancienne puissance coloniale dans les provinces du Sud, écrit le magazine BAB dans son numéro de février.
Ainsi, poursuit le mensuel édité par la MAP, l’Espagne, très concernée par ce conflit et faisant d’ailleurs partie du «Club des amis du Sahara», a accueilli la décision américaine avec froideur et, surtout, avec une grande prudence. Et pour cause. En plus de changer complètement la donne géopolitique dans la région et donc les équilibres maintenus à la faveur du statu quo qui a prévalu dans la région durant des années, cette nouvelle réalité n’arrange pas du tout les affaires de l’Espagne. Pays, faut-il le rappeler, qui abrite une base militaire américaine au Sud-Ouest de l’Andalousie et qui est directement concerné par la récente décision du Maroc de donner une base légale, avec l’adoption d’une loi, à la délimitation de ses frontières maritimes.
Cela dit, note le mensuel, l’Espagne a toujours adopté une certaine ambiguïté lorsqu’il s’agit de la question du Sahara. Le gouvernement socialiste, dirigé par Pedro Sanchez, au pouvoir depuis un peu plus d’une année après plusieurs élections anticipées, a bien tenu à donner des signes positifs quant à la position officielle de l’Espagne sur ce dossier. Le pays s’est, en effet, aligné sur la position onusienne qui consacre la prééminence de la solution d’autonomie. Mais l’opinion publique, elle, reste toujours acquise aux thèses du front séparatiste. C’est aussi la position de certains hommes politiques, même au sein de la coalition gouvernementale. Le cas du vice-président du gouvernement et patron du parti d’extrême gauche Podemos, Pablo Iglesias, est éloquent. D’après le mensuel BAB, ce responsable a d’ailleurs été, à maintes reprises, à l’origine de crises politiques avec le Maroc.
Le voisin ibérique ne sait donc plus sur quel pied danser. Et c’est le cas de le dire, sachant que les voisins du Nord connaissent parfaitement le poids du Maroc dans certaines questions cruciales pour toute l’Europe, notamment dans les dossiers migratoires et sécuritaires et d’autres dossiers concernant directement l’Espagne, comme celui de la pêche. En parlant de l’UE, cette dernière adopte une position similaire à celle de l’Espagne, relève le magazine. Elle préfère continuer à tirer profit de ses multiples accords conclus avec le Maroc, tout en évitant de s’aventurer sur le chemin pris par les Etats-Unis.
Ce qui est encore plus incompréhensible dans l'attitude de l'Espagne, poursuit le mensuel, c’est qu’alors qu’elle réprime sévèrement toute velléité indépendantiste en Catalogne, une communauté de 7,5 millions d’habitants, elle continue à soutenir, dans les coulisses, l’autodétermination de quelques milliers de séparatistes du Polisario. Bref, conclut le magazine, comme l’Union européenne, l’Espagne, qui a un lourd passif avec le Maroc, a tout intérêt à sortir de sa zone de confort. L'Espagne, tout comme d’ailleurs toute l’Union européenne, est appelée à jeter les bases d’une nouvelle relation avec le Maroc, faite de franchise et de transparence.