A peine a-t-il eu le temps de goûter à sa victoire au scrutin du 4 septembre que de gros soucis ont commencé à accabler le chef du parti au pouvoir. Neuf jours après le «grand sacre», -le PJD étant arrivé premier aux régionales et 3ème aux communales-, la partie n’est toujours pas gagnée. Et pour cause, ni le mode de scrutin, et encore moins ce petit jeu d’alliances contre nature, n’arrangeraient les calculs du premier parti politique pour remporter la timbale.
Petit rappel, en passant! Alors que les Marocains élisaient pour la première fois leurs Conseils régionaux au suffrage universel direct, le PJD était arrivé en tête dans trois des quatre régions les plus peuplées du pays, dont celles de Casablanca, Rabat et Fès (15,5 millions d’habitants, soit presque la moitié de la population du royaume et plus de 40% du PIB national).
Mais voilà, le score réalisé par le Parti Authenticité et Modernité, -son farouche adversaire-, 132 sièges contre 174, dans les Conseils régionaux, le met dans une situation inconfortable. D’autant moins confortable que cet autre poids lourd de l’opposition, en l’occurrence le Parti de l’Istiqlal, malgré le cinglant revers essuyé par son SG, Hamid Chabat, dans son propre fief (Fès), détient à son tableau de chasse pas moins de 119 sièges.
A toutes fins utiles, il faut bien noter qu’il n’est ici question que des régionales. Au niveau des communales, où 31.503 sièges étaient à pourvoir, c’est le PAM (bien le PAM!) qui est arrivé en tête avec 21% (6.655 sièges), suivi du Parti de l’Istiqlal (16,2%). Le PJD, lui, a terminé en troisième position empochant 5.021 sièges, soit 15,9%.
Il en ressort que la partie est serrée pour le parti au pouvoir, obligé de se tourner vers ses alliés de la majorité gouvernementale pour faire le poids.
Or voilà, face à un bloc d’opposition soudé, la majorité avance en ordre dispersé. Pas plus tard que jeudi dernier, le Rassemblement national des indépendants, parti de la majorité, a discuté, à l’issue d’une réunion de son état-major à Rabat, de l’éventualité d’alliance avec un parti d’opposition, en l’occurrence le PAM.
Selon les dernières indiscrétions partisanes, le RNI aurait conclu un «deal» avec le PAM pour permettre au numéro 2 du «parti du Tracteur», Ilyass El Omari, de s’assurer une majorité théorique pour prendre la présidence de la Région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma.
En contrepartie, le PAM, pour s’assurer la fidélité de ses futurs alliés, a dû faire une concession de taille : soutenir la présidence de Abdelilah Hsissen du RNI à la Commune de Larache. Mieux encore, il a promis la présidence de la Commune de Laksar à Mohamed Simo, celui-là du Mouvement populaire de Mohand Laenser.
Un petit jeu d’alliances qui n’a pas manqué de secouer le landerneau islamiste, au point qu’un membre de la Chabiba du parti islamiste avait dernièrement crié, sur les réseaux sociaux, à la trahison, allant jusqu’à griller la politesse au parti de Mezouar et l’affubler de l’épithète de «maître-chanteur»! Seulement voilà, ce jeune militant islamiste avait oublié, à son insu, que le SG de son parti, Abdelilah Benkirane, avait lui-même invité les partis d’opposition à tremper dans ce même petit jeu d’alliances, à la surprise de sa majorité, mais aussi de l’opposition qui a rejeté l’offre.
Coalitions contre-nature : quel impact sur l’actuelle majorité ?
Déstabilisée par des désaccords liés à la formation des alliances pour la présidence des Conseils communaux et régionaux, la coalition gouvernementale aura sans doute de la peine à mener tranquillement son mandat à terme (septembre 2016). "On aurait pu s'en passer mais on essayera de vivre avec ces divergences le temps qui reste", confie à Le360 un ministre sous couvert de l'anonymat. « On verra si l’on pourra sortir de ce tunnel », a-t-il lâché, un brin sceptique.
Un son de cloche partagé par le politologue Samir Labdi. La crise qui a éclaté entre le RNI et le PJD au sujet de la présidence de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, pour ne citer que celle-ci, n'est pas anodine. "Le désaccord entre les leaders des deux partis ne manquera pas d'avoir des répercussions sur la marche du gouvernement", estime M. Labdi, professeur de sciences politiques à Rabat.
A la question de savoir si cette crise menace l’actuelle majorité, le politologue se montre prudent: "Je ne pense pas que le pays aille à des élections anticipées".
Cela dit, une chose est sûre! Ces petites «trahisons» ne manqueront pas de fausser le jeu des alliances en perspective des législatives de septembre 2016.
Présidences des Régions : 6 pour l'opposition, 6 la majorité- Casablanca: favori Mustapha Bakkoury (PAM 38 voix opposition) contre Abdessamad Haikar (PJD, 37 voix majorité)
-Rabat: favori Abdessamad Sekkal (PJD, 42 voix), Omar Bahraoui (UC, 28 voix opposition)
-Marrakech: seul candidat Ahmed Akhchichen (PAM) déjà vainqueur
-Fès: favori Mohand Laenser (MP, 38 voix majorité) contre Hamid Chabat (Istiqlal 31 voix opposition)
-Tanger-Tétouan-El Hoceima: favori Ilyas El Omari (PAM, 32 voix) contre Said Khairoun (PJD, 31 voix)
-Guelmim: favori Abdelouhab Belfkih (USFP) et Abderrahim Bouaida (RNI) coude à coude
-Draa-Tafilalet: favori Lahbib Choubani (PJD, 34 voix) contre Mohamed El Ansari (Istiqlal 11 voix)
-Oujda: favori Abdenbi Bioui (PAM, 34 voix) contre Abdelkader Salama (RNI, 14 voix)
-Souss-Agadir: favori Hafid Ibrahimi (RNI, 39 voix) contre Abdessamad Kiouh (Istiqlal 11 voix)
-Dakhala: favori Akhattat Yanja (Istiqlal) contre Mouna Chegaf (PAM), épouse Tamek directeur des prisons
-Laayoune: grand favori Ould Errachid Istiqlal (le petit des fils Ould Errachid)
-Béni-Mellal/Khénifra: favori IMehdi Atmoun (MP) contre Brahim Moujahid (PAM)