L’irrecevabilité du recours du Polisario, prononcée par la Cour de justice européenne, le 21 décembre 2016, est sans appel. «Le Front Polisario ne peut en tout état de cause pas être regardé…comme ayant qualité pour agir en annulation de la décision attaquée», indique l’arrêt. En d’autres termes, le Polisario n’est pas le représentant des populations qui vivent dans le Sahara atlantique.
De plus, les juges européens, tout en précisant que «l’accord de libéralisation agricole ne s’applique pas au Sahara occidental», nuancent leur propos, et indiquent: à moins que «l’on prouve que les populations locales aient consenti à ce que cet accord s’applique à ce territoire». Ce qui ouvre indéniablement d’autres voies pour la résolution de ce feuilleton judiciaire, car cette précision, jugée contraignante pour le Maroc, peut bien au contraire porter le débat sur un autre terrain, celui du consentement. En clair, que les populations locales expriment leur avis sur l’application des mesures des accords entre le Maroc et l’Union européenne.
La majorité écrasante de la population sahraouie est établie au Maroc dans les villes de Laâyoune, Smara, Boujedour et Dakhla. Les Sahraouis établis dans les camps de Tindouf représentent, selon des estimations fiables, près de 40.000 personnes. La population des camps, sous administration du Polisario et d’Alger, représente environ 4,6% de l’ensemble des habitants du Sahara. Car, le dernier recensement de la population marocaine publié en 2014 évalue à 869.258 le nombre d’habitants dans les régions de Guelmim-Oued Noun, de Laayoune-Sakia El Hamra et de Dakhla-Oued Eddahab. C’est d’ailleurs pour éviter de mettre à nu l’infime représentativité des Sahraouis qui vivent dans les camps que le Polisario et Alger opposent un refus permanent au recensement de la population, voulu par l’ONU.
Le mandat issu des urnesQuels sont dès lors les instruments juridiques et légaux qui permettent l’expression d’un consentement populaire? Il en demeure un, en vigueur au Sahara depuis une quarantaine d’années, celui des élections communales, régionales et législatives. Et le Maroc, en tant qu’administrateur de ce territoire, – qualité attribuée par l’article 73 par la charte de l’ONU– a instauré une démocratie représentative. Les élus de cette région sont donc habilités, à travers les urnes, à transmettre les vœux de la population au-devant des instances institutionnelles.
«Au Sahara, la représentativité se manifeste de deux manières. La première est imposée par l’État à travers les collectivités locales et d’autres instances», explique un spécialiste des régions du Sud du Maroc qui a souhaité garder l’anonymat. Et de poursuivre : «la seconde est plus complexe et participe des traditions tribales. Toujours est-il que la représentativité politique se réalise à travers les partis politiques». Et l’expert de poursuivre: «dans la plupart des cas, la couleur politique et la tradition tribale se confondent. Il n’y a qu’à voir les patronymes des notables, élus à la tête des villes dans le Sahara, pour se rendre compte de cette réalité spécifique à cette région».
Et l’expérience prouve que les populations sahraouies adhèrent complètement à ces modes de représentativité. En effet, les taux les plus élevés de participation à des élections au Maroc sont enregistrés au Sahara. En témoignent les derniers taux de participation aux élections législatives de 2016. Il est de 76,71 % dans la circonscription d’Aousserd, 75,94% à Tarfaya, 64,30% à Boujdour, 62% à Smara, à Laâyoune, il s’établit à 57,21%.
Les candidats aux élections dans les provinces du Sud se présentent sous les couleurs de formations politiques nationales. Des organisations partisanes, dans lesquelles s’identifient des personnalités sahraouies dont l’ascendant sur les populations locales est considérable.
Des noms comme Ould Errachid, Derham, Bouaida, Mae El Ainaine, Biadillah, Joumani,… en dehors du poids politique qu’ils incarnent au Sahara, sont de par leur lignée, des chefs de tribus. L’ascendant tribal, qui est encore déterminant dans les rapports sociaux dans ces contrées, leur octroie une légitimité supplémentaire aux yeux des populations qui votent pour eux.
Même les séparatistes votentLa composante tribale, ciment de l’organisation sociale au Sahara, explique que même des séparatistes battent le pavé pour faire campagne pour tel ou tel candidat et se dirigent avec une ponctualité à toute épreuve vers les urnes à l’occasion des rendez-vous électoraux. Les ramifications de l’ascendant tribal s’étendent même parmi les pensionnaires des camps de Tindouf.
Les élus sahraouis peuvent, en toute légalité, se prévaloir d’un statut de représentants des populations qui vivent dans le Sahara atlantique. Mandatés par ces populations, ils ont toute la latitude de s’exprimer au nom de la population sahraouie. La Cour de justice européenne n’invoquera plus alors «l’absence de représentants des populations sahraouies» dans ce litige.