Le PJD n’a pas du tout apprécié la décision prise par le ministère de l’Industrie et du commerce de taxer davantage les importations de textile en provenance de Turquie. Le Maroc a décidé, en effet, d’augmenter de 90% le taux de droit d’importation fixé par l’accord de libre-échange, sur une période s’étalant jusqu’au 31 décembre 2021. Le groupe du PJD à la Chambre des représentants s’est élevé contre le gouvernement pour défendre les produits turcs et demander leur protection, malgré les pertes qu’ils occasionnent aux entreprises marocaines.
Le député PJDiste Houcine Harich a vivement critiqué le ministère de tutelle en l’accusant «d’être à l’origine de la faillite de plusieurs enseignes turques qui exercent au Maroc, suite à l’augmentation du taux de droit d’importation de 90% ». Le député s’est interrogé, dans une question écrite adressée à Rakiya Eddarhem, secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur, sur l’efficience des mesures prises contre le textile turc. Le parlementaire estime que «ces mesures suscitent beaucoup d’inquiétudes et de suspicions sur l’existence de conflits d’intérêts pour favoriser des marques aux dépens d’autres. L’augmentation du chiffre d’affaires d’une marque espagnole connue suscite, en effet, beaucoup d’interrogations…».
Rakiya Eddarhem a révélé que, malgré leur taxation, les produits textiles turcs continuaient à inonder les marchés du royaume, menaçant sérieusement la pérennité des sociétés marocaines. Ces dernières réalisaient, jusqu’à tout récemment, le plus grand volume d’exportation du Maroc vers l’étranger. La secrétaire d’Etat a ajouté que l’industrie du textile et de l’habillement destinée au marché domestique avait connu plusieurs perturbations suite à l’augmentation de 200% de l’importation des produits turcs, entre 2013 et 2017. D’autant, enchaîne-t-elle, que le prix moyen du textile et de l’habillement turcs a baissé en comparaison avec les importations en provenance d’autres pays, notamment de l’UE et de la Chine. Sans oublier, poursuit-elle, que les importations turques ont bénéficié de l’accès préférentiel sur le marché marocain, en vertu de l’accord de libre-échange conclu entre le Maroc et la Turquie.
Le quotidien Al Akhbar rapporte, dans son édition du vendredi 25 janvier, les propos de Rakiya Eddarhem qui révèle que «l’augmentation continue des produits turcs a réduit le volume de vente de textile de plusieurs usines sur le marché local. Du coup, de nombreux emplois ont été détruits dans ce secteur sensible». Selon les professionnels de ce secteur, près de 46.000 emplois ont été détruits entre 2013 et 2016. La production destinée au marché local a baissé de 13 à 11 milliards de dirhams, tout comme son volume sur les marchés, qui est passé de 79,70% à 69,30% en 2016.
Lors d’une réunion consacrée à la situation des petits commerçants en présence de Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Economie et des finances, le président du groupe du PJD, Driss El Azami, a défendu, farouchement, les produits turcs. Il a, tout bonnement, rejeté toute relation de cause à effet entre la multiplication des commerces turcs et la faillite des petits commerçants. El Azami croit avoir trouvé la parade pour étayer son argumentaire en affirmant que «l’introduction des marchandises turques sur les marchés marocains est conforme à l’accord de libre-échange conclu entre le Maroc et la Turquie au temps du gouvernement Jettou». Et le député de plaider pour le renforcement des relations commerciales entre les deux pays.
La vive réaction d’El Azami est survenue juste après que le parlementaire Abdallah Ghazi (RNI) a demandé au gouvernement d’affronter le «Monstre de l’Anatolie» qui a infiltré les quartiers populaires et menace les commerçants de faillite. Le député désigne, sans la nommer, une société turque qui a implanté de grands magasins dans des villes dont les Conseils sont dirigés par des responsables du PJD, qui leur offrent un soutien sans limite.
Le parlementaire RNIste ajoute que les petits commerçants sont victimes d’une concurrence déloyale des grandes surfaces et des réseaux de commerce infiltrés. Ces unités se sont installées non seulement dans les périphéries des agglomérations, mais ont également pris pied aussi bien dans les quartiers résidentiels que populaires. Le même intervenant cite une société qui a inondé le tissu commercial marocain en cassant les prix, profitant ainsi de l’accord de libre-échange avec le Maroc. Le parlementaire va même jusqu’à dire que cette société bénéficie de divers avantages non divulgués. Il poursuit en affirmant qu’elle a, pendant des années, déclaré au fisc des déficits dépassant les 110 millions de dirhams: «Les déclarations de déficit à la Direction des Impôts laissent supposer que cet acteur commercial reçoit des subventions du gouvernement turc, chose qui va à l’encontre des conditions d’une concurrence équitable», a affirmé Abdallah Ghazi.