"Houleuse", "agitée", "mouvementée", "tendue"… Les principaux titres de la presse nationale paraissant ce jeudi 9 octobre rivalisent d’épithètes "musclées" pour décrire une 4ème année législative exceptionnellement tendue, depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement à moitié islamiste. Signe des temps, Assabah fait état de "fissure" au sein de la majorité d’Abdelilah Benkirane en larguant ce titre révélateur d’une rentrée qui promet bien des étincelles : "Conflit chez la majorité à la veille de la rentrée parlementaire". "Le coordinateur de la majorité à la Chambre des représentants, le député PPS Rachid Rokbane, mène une course contre la montre pour tenter de surmonter les divergences opposant les députés de la même majorité, en l’occurrence le PJD, le RNI, le MP et le PPS", rapporte le quotidien, en relevant que ces désaccords, portant sur l’ordre des priorités de la rentrée, se sont tellement exacerbés qu’ils ont nécessité un cinglant "rappel à l’ordre" de la part du ministre chargé des Relations avec le Parlement, Lahbib Choubani, qui a appelé à "mettre l’action législative à l’abri des calculs et des surenchères politiciennes et électoralistes".
Une rentrée "préélectorale" ?
Même constat établi par Al Ahdath Al Maghribiya, mais à ce détail près que les partis de la majorité croisent l’épée cette fois avec un membre du gouvernement, soit le ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, au sujet des projets de lois électorales. Notons au passage que le constat d’Al Ahdath ressemble à s’y méprendre à celui d’Assabah : "Benkirane mène une course contre la montre pour dissiper les désaccords entre la majorité et le ministère de l’Intérieur". En effet, deux sons de cloche s’opposent sur fond de révision des listes électorales. D’un côté, le ministre Hassad veut procéder à une révision partielle de ces listes, alors que les partis de la majorité, le PJD en particulier, revendiquent une révision complète desdites listes.
Evoquant les "enjeux marquants" de cette quatrième année législative, Akhbar Al Yaoum précise pour sa part que "l’actuelle rentrée coïncide avec une année préparatoire aux premières élections post-Constitution 2011" et qui, contrairement à l’époque de l’ex-super ministre Driss Basri, passeraient "sous la supervision effective d’un gouvernement élu". Or, il apparaît à l’évidence la tâche de ce gouvernement ne sera pas de tout repos. D’autant moins qu’il a contre lui cet ennemi "temps", les élections communales étant à nos portes (juin 2015), mais aussi et surtout une opposition prête à en découdre. "Le Parlement débat de la mise en place d’une Instance nationale indépendante pour la supervision des élections", titre Al Akhbar, en allusion à une proposition de loi présentée conjointement par le Parti de l’Istiqlal et l’USFP. Une initiative mise par le quotidien sur le compte d’une crainte que "le Parti justice et développement, au pouvoir, ne tourne à son avantage les prochaines élections".
Vrais enjeux, faux débats
Si la question électorale, véritable serpent de mer, domine les principaux titres de la presse écrite, il n’en demeure pas moins que d’autres enjeux méritent attention. Akhbar Al Yaoum met en tête de ces enjeux le projet de loi de Finances, dont la discussion prendra un temps équivalent à la moitié de la session d’automne. Le quotidien chiffre cette durée à 70 jours sur un total de 120 qui est celui d’une session parlementaire. Au-delà des chiffres, c’est le contenu de ce projet de loi qui promet de faire polémique. Le ministère de l’Economie et des finances en a déjà annoncé la couleur en dévoilant que le Budget de 2015 ne prévoit pas d’augmenter les postes d’emploi, ce qui risque de détériorer davantage les rapports, d’un côté, entre majorité et opposition, et d’un autre, entre gouvernement et syndicats. Autre facteur aggravant, l’éventualité que le gouvernement mette en œuvre, comme il l’avait promis précédemment, les redoutables recommandations des Assises nationales de la fiscalité datant de fin avril 2013. Une éventualité qui, si jamais elle est mise en application, compliquerait inévitablement la tâche à l’actuel Exécutif qui, face au ras-le-bol syndical généralisé, aura grand-peine à faire passer la "pilule" de la réforme du système des retraites. Miloudi Moukharik, patron de l’UMT, a menacé, mardi, d’appeler à une grève générale qui remettrait dans les esprits les tristement célèbres grèves de 1981. Décidément, l’heure est grave. Et ce ne sont surtout pas ces combats de coqs politiciens qui vont arranger les choses.