Le ministre de la Justice, Mohamed Benabdelkader, a présenté, jeudi dernier, devant le conseil de gouvernement, un exposé sur la politique pénale. Il a pointé du doigt les aspects de la crise et les principaux dysfonctionnements que connaît la politique pénale au Maroc tout en faisant état des principaux piliers sur lesquels sera fondée sa modernisation. Le ministre a cité notamment le référentiel constitutionnel, les instructions royales, les recommandations de l’Instance équité et réconciliation ainsi que les conventions internationales.
Benabdelkader a évoqué en premier lieu l’ancienneté du système pénal qui remonte à 1962 et l’abondance des textes législatifs d’ordre répressif qui datent du temps du protectorat. Le ministre a indiqué que même certaines législations pénales récentes doivent être révisées pour qu’elles soient compatibles avec l’évolution du temps et des mœurs, comme le code pénal de 2002.
Le ministre a par ailleurs évoqué la problématique de l’inflation des textes juridiques d’ordre répressif à tel point, ajoute-t-il, qu’ils sont devenus difficiles à assimiler y compris par les professionnels de la justice. Ce qui est aberrant, souligne-t-il, c’est qu’aucun texte de loi n’est épargné par les dispositions juridiques d’ordre répressif et ce quelle que soit la nature de son domaine d’intervention.
A cela, il faut ajouter, précise le ministre, que les tribunaux croulent sous le poids des dossiers d’ordre répressif qui varient entre 1 et 1,5 million d’affaires sur un total de 3 millions de dossiers (civils, commerciaux, administratifs). D’autant que les deux tiers de ces dossiers sont considérés comme des affaires simples qui peuvent trouver des solutions en dehors du système judiciaire via des procédures alternatives, martèle le ministre.
Le quotidien Al Akhbar rapporte, dans son édition du samedi 27 décembre, que le ministre de la Justice évoque comme autre facteur de dysfonctionnement de la politique pénale l’augmentation du taux de la récidive dans les crimes (vol, drogue, violence). Benabdelkader regrette l’absence de mécanisme précis pour cerner ce phénomène (type de crime, sexe du criminel, âge et répartition géographique). Il faut noter aussi, ajoute le ministre, l’absence d’approches alternatives pour lutter contre la récidive (soins, intégration et qualification) ainsi que la carence d’études et de recherches scientifiques sur ce phénomène au Maroc.
L’intervenant a évoqué par la suite la problématique de la détention provisoire. En effet, le nombre des prévenus ne descend jamais en dessous de 40% de la totalité de population carcérale malgré les efforts déployés pour en diminuer le nombre. Avant de passer aux solutions préconisées par la nouvelle politique pénale, le ministre a mis l’accent sur l’inefficacité des peines privatives de liberté, notamment celles qui ne dépassent pas deux ans. Le ministre recense 40.286 condamnés à des peines inférieures à deux ans sur un total de 82.361 (soit 48,91%). Un chiffre effrayant qui accentue la surpopulation des prisons déjà saturées avec toutes les conséquences que la proximité engendre entre les détenus.
Abordant certains aspects de la nouvelle politique pénale, le ministre a indiqué que son ministère a élaboré un plan législatif intégré pour combler les lacunes et introduire de nouveaux textes compatibles avec les multiples références nationales et internationales. C’est ainsi, ajoute Benabdelkader, qu’il sera procédé à la pénalisation de certains comportements et actes portant atteinte aux droits et aux libertés en révisant la philosophie du code pénal.
L’objectif étant d’arriver à un équilibre entre la politique d’incrimination et de sanction et la protection des droits et des libertés individuelles conformément à la constitution et aux conventions internationales. En matière de droit international et de droits de l’homme, le nouveau code pénal prévoit la pénalisation du mercenariat, de la disparition forcée, du trafic des migrants, du mariage forcé, de l’atteinte à la liberté de la concurrence et à l’accès aux marchés publics.
Le ministre a par ailleurs insisté sur la révision des dispositions de la loi sur la torture en mettant un mécanisme de protection afin que la répression de ce crime ne soit plus limitée au seul fonctionnaire public. Concernant la garde à vue, le ministre souligne que le prévenu doit obligatoirement être soumis à une visite médicale en cas de constatation de traaces de torture, faute de quoi ses aveux actés dans les PV de la police seront invalidés.