Casablanca, Rabat, Fès, Tanger, Marrakech, Agadir… ont en commun d’avoir un Conseil de la ville dirigé par le Parti de la justice et du développement (PJD). Mais selon le quotidien Al Akhbar de ce lundi 10 juin, qui consacre un dossier au «fiasco de la gestion communale du PJD dans les grandes villes du pays», toutes ces mairies ont aussi en commun d’être très mal gérées.
A ce titre le quotidien arabophone rappelle que jusqu’à septembre dernier, qui coïncide avec la troisième année de l’élection des actuels conseils de la ville, la ministère de l’Intérieur a reçu quelque 1305 dossiers en provenance de diverses institutions de contrôle, faisant tous état de dysfonctionnement dans la gestion des affaires locales. Certains de ces dossiers ont été transmis à l’Inspection générale de l’administration territoriale, puis aux Cours des comptes régionales concernées en vue d’enquêter sur cette mal gouvernance présumée des grandes villes. Il est vrai que plusieurs têtes sont déjà tombées, alors que certains dossiers sont actuellement aux mains de la justice pour de présumés crimes de malversations financières dans lesquels plusieurs édiles du PJD sont poursuivis.
Al Akhbar passe ainsi en revue les défaillances les plus saillantes dans les cinq plus grandes villes du Royaume dirigées par un maire PJDiste. Au niveau du Conseil de la ville de Fès, dont le maire, Driss El Azami El Idrissi, est pourtant un ancien ministre délégué chargé du Budget, c’est une asphyxie financière sans précédent qui marque la gestion de la ville spirituelle, dont les caisses sont vides. A tel point que Driss Al Azami a mis en vente aux enchères plusieurs biens immobiliers appartenant à la commune pour faire face à des crédits cumulés de 150 millions de dirhams. Et peut-être aussi pour mobiliser d’importantes liquidités en prévision de prochaines échéances électorales.
A Tanger, les mêmes problèmes financiers se posent au maire Mohamed Bachir Abdellaoui (PJD), faute d’avoir pu renflouer les caisses de la commune avec les impôts dus par les entreprises. Un laxisme et un manque d’autorité que même l’élargissement de l’assiette fiscale initié cette année n’a pu résoudre. Résultat des courses, les entreprises chargées de nombreux chantiers de développement économico-social traînent des pieds à cause des impayés qui s’accumulent.
A Rabat, c’est tout simplement le «blocage qui fait courir à la capitale du royaume le risque de crise cardiaque», écrit Al Akhbar. En effet, à chaque fois que le Conseil de la ville, présidé par Mohamed Sadki, se réunit, c’est la cacophonie, à cause de l’éternel duel entre le PJD et le PAM. Ce dernier accusant régulièrement les islamistes de graves dépassements, tout en exigeant l’intervention de l’inspection générale du ministère de l’Intérieur. Ainsi, les trois sessions du conseil de la ville de Rabat pour cette année se sont terminées en queue de poisson à cause des vociférations, voire coups de poings, que s’échangent régulièrement PAMistes et PJDistes.
A Marrakech, l’on se demande comment une ville peut être gérée normalement quand le maire Mohamed Larbi Belcaid et son adjoint Younès Benslimane (PJD également) passent le plus clair de leur temps à répondre aux convocations de la brigade financière relevant de la police judiciaire, sur ordre du procureur du roi près la Cour d’appel de la ville ocre. Dans ce dossier, le maire PJDiste est poursuivi pour avoir octroyé des marchés de gré à gré à une centaine d’entreprises, également dans le collimateur de la PJ, pour une valeur dépassant les 280 millions de dirhams.
A Casablanca, le problème est tout autre, dans le mesure où la métropole économique est dirigée, selon Al Akhbar, par un «maire fantôme». En effet Abdelaziz El Omari s’est dépouillé de toutes ses prérogatives et celles de tout le Conseil de la ville pour les mettre aux mains des sociétés de développement local (SDL) qui gèrent désormais le marché de gros, la propreté, les abattoirs. Or, ces SDL ont complètement échoué dans les missions qui leur ont été confiées, ce qui a obligé le maire de Casablanca, non pas à prendre directement ses responsabilités, mais à retirer des missions pour les confier à de nouvelles sociétés. In fine, c’est bien la «démission» et la «fuite des responsabilités» qui caractérisent les mairies des grandes villes du royaume actuellement sous la coupe du PJD.