La démission d’un homme malade, quand il occupe de hautes responsabilités, c’est tout ce qu’il y a de plus naturel et de plus normal. D’ailleurs, pour ne pas avoir respecté cette règle élémentaire, en voulant réélire pour la 5e fois consécutive Abdelaziz Bouteflika, un président non seulement malade mais grabataire et sans discernement, le «système» algérien a été vivement secoué par un puissant mouvement de contestation populaire, allant crescendo depuis maintenant plus de trois mois. C’est donc tout à l’honneur de Köhler, quand il a senti qu’il n’avait plus les capacités physiques nécessaires à l’accomplissement de sa difficile mission, d’avoir présenté sa démission à Antonio Guterres, SG de l’ONU.
Même si nombre d’observateurs à travers le monde ont fait part de leurs hypothèses sur cette démission-surprise, en attendant la confirmation ou l’infirmation de la maladie de Köhler, le pouvoir algérien, lui, n’a pas pris de gants pour donner sa version. Selon le quotidien Al Ahdath Al Maghribia du 27 mai, les «services» algériens, ou ce qui en reste, «ont dicté aux brigades médiatiques du Polisario d’annoncer que ce sont des pressions américaines qui ont poussé Horst Köhler à se retirer du dossier» du Sahara. Et le journal d’expliquer que cette manœuvre aurait deux objectifs principaux.
En premier lieu, il s’agit ainsi de faire croire que Köhler a fait fausse route et tenter ainsi de calmer les populations des camps de Lahmada, qui se sont massivement soulevées ces derniers temps contre les dirigeants du Polisario. Des soulèvements qui ne sont justement pas étrangers à la gestion réaliste du dossier du Sahara par Köhler, qui a mis à nu les mensonges du Polisario qui vendait des mirages du désert aux habitants des camps de Lahmada. D’ailleurs, pour faire face à cette nouvelle gronde pour la libérté de mouvement des séquestrés de Tindouf, le Polisario n’a trouvé d'autre solution que d’y faire face avec ses chars.
Le deuxième objectif de cette campagne médiatique, visant à imposer l’idée que ce sont les Américains qui ont congédié Köhle, et non son état de santé, est une façon de faire les yeux de Chimène aux Américains. Il s'agit surtout d'inciter le lobby pro algérien sur place à profiter du départ de l’Allemand pour faire table rase de tous les acquis qu’il a réalisés en 25 mois de service: reconnaissance de l’implication directe de l’Algérie, interdiction de la zone tampon aux activités civiles et militaires du Polisario, coup de grâce au référendum et à l’idée d’un Etat indépendant…. Le tout consigné dans la plus récente résolution (30 avril 2019) du Conseil de sécurité sur le Sahara.
En définitive, et selon Al Ahdath, Horst Köhler aurait déjà bien exprimé, il y a quelque temps et à maintes reprises, sa volonté de se dessaisir du dossier, car ce dernier exige d’importants efforts que sa santé ne lui permet pas d’accomplir. Cependant, ce qui aurait surtout précipité son départ, c’est la nouvelle donne en Algérie où il n’a plus d’interlocuteur. Car plus personne ne sait où se trouve réellement le noyau du pouvoir à Alger. En tout cas, celui qui l’a accaparé pour le moment, à savoir le général Ahmed Gaïd Salah, ne dispose d’aucune légitimité ni aux yeux des Algériens, ni de la communauté internationale.