Sidi Mokhtar est une bourgade qu’on remarque à peine en route, dans le prolongement de Marrakech, vers son ouverture historique sur l’océan Atlantique. Son souk animé, de part et d’autre de la N8, et la présence en tout temps d’une foule errante et nomade en font un goulet d’étranglement. C’est aussi le point d’arrêt détente le plus sollicité par les compagnies de transport de voyageurs dans l’axe Marrakech-Essaouira. Une aubaine pour l’économie locale, tributaire, à première vue, de ces touristes de passage qui y dégainent leur porte-monnaie le temps d’une pause café.
Bien que situé dans un territoire sec et aride, cette commune de la province de Chichaoua dispose d’un potentiel de développement insoupçonné. Hormis la découverte en 2016 d’un gisement de pétrole onshore qui lui a valu un engouement médiatique sans précédent, c’est l’agriculture qui fait la pluie et le beau temps de cette zone presque délaissée de la province.
Avec un ciel peu clément et des précipitations peu abondantes (estimées aux alentours de 290 mm par an), les exploitants se rabattent sur la nappe phréatique -Bousbaa- principale source d’approvisionnement en eau, et dont le déficit s’élève cette année à 25 millions de m3. Il faut dire que la libéralisation des cultures ayant accompagné le déploiement du Plan Maroc Vert y a engendré la prolifération de cultures aquavores telles que le melon et la pastèque auxquelles s’adonnent en particulier les petits exploitants.
Mais l’essentiel de l’activité agricole se concentre dans d’immenses étendues abritant des variétés prisées pour leur rendement élevé: orange, mandarine Afourer ou encore l’oléiculture. Ces exploitations mobilisant, d’après les chiffres recueillis sur place, plusieurs milliers d’hectares se situent pour la plupart sur des terres collectives.
Si ces concessions ont transfiguré l’arrière-pays autrefois aride de la commune, la population locale, elle, pâtit toujours d'inégalités socio-spatiales criantes. Pour une commune connue pour son potentiel agricole indéniable, paradoxalement, ici, le chômage bat son plein. «A proximité de notre douar, il y a une exploitation de 120 hectares opérationnelle et qui ne sollicite que très peu la main d'œuvre locale. Nous sommes, pour la plupart, en situation de chômage», s’indigne Khalid, habitant d’un douar relevant de la commune de Sidi Mokhtar.
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A en croire les locaux et sur la base de documents transmis au site Le360, cette situation est imputable à une mauvaise gestion des terres collectives. «La mobilisation de cette immense assiette foncière n’est d’aucun apport pour les habitants», tranche un ayant droit. En effet, le détournement du patrimoine foncier tribal va au-delà de l’exploitation des parcelles à des finalités agricoles. L’extraction illégale du sable des carrières à ciel ouvert à Sidi Mokhtar est aussi chose courante.
«Rendez-vous compte, ces gens exploitent illégalement nos terres, destinées à la base à l’élevage sans qu’ils fassent partie des ayants droits… Tout ce que nous voulons c’est que l’Etat et les citoyens puissent en profiter», explique l’agriculteur Fetah Hbibi, devant un énorme cratère. A ce propos, plusieurs plaintes déposées courant 2020 auprès du gouverneur de la province de Chichaoua demeurent sans réponse.
Pire encore, les ayants droits disent avoir subi des pressions de la part des autorités locales pour intégrer des intrus dans la liste, «désireux d’investir dans la commune». «Sur quelle base on nous impose d’intégrer ces gens qui ne font pas partie de la collectivité territoriale. Cela va à l’encontre des chantiers mis en place par Sa Majesté. Le chantier royal visait à faire des terres collectives un levier pour le développement économique et social et non un facteur d’instabilité», précise l’un des ayants droits.
Cela dit, dans la province de Chichaoua, la melkisation des terres agricoles compte aussi à son actif des succès stories. Des exemples réussis d’intégration où le foncier rural est dynamisé, et où des opportunités d’emplois sont créées.
L’opération de melkisation, qui, pour rappel, a pour finalité de garantir un développement inclusif aux populations ciblées, vise à dynamiser l’investissement en milieu rural et à créer des opportunités d’emploi à même d’endiguer les flux migratoires des zones rurales vers les villes. Un engagement perpétué par la feuille de route en cours -Génération Green 2020-2030- dont l’objectif à terme est de valoriser le travail de la terre, et favoriser l’émergence d’une classe moyenne agricole.