Le sacrifice de l’Aïd Al-Adha sera-t-il annulé, cette année, à cause des répercussions de la pandémie de Covid-19 sur l’économie nationale et, par ricochet, sur la bourse des milliers de familles impactées par plus de deux mois de confinement? Certes, il reste encore huit semaines avant le 31 juillet, date de l’Aïd El-Kébir. Mais il est évident que l’impact de cette crise épidémiologique sera encore plus palpable après la levée du confinement. Ainsi, au sein de la société et, notamment, sur les réseaux sociaux, on commence à évoquer la probabilité d’une annulation du rite du sacrifice par le roi Mohammed VI, en sa qualité de commandeur des croyants.
Son père, feu le roi Hassan II, avait d’ailleurs, à trois reprises, appelé à annuler ce rituel à cause de la sécheresse ou d’une conjoncture économique difficile. En 1963, la guerre des sables provoquée par l’intrusion de l’armée algérienne sur le sol marocain avait provoqué une grave crise économique qui avait poussé le défunt roi à user de ses prérogatives pour appeler les Marocains à s’abstenir d'effectuer ce rite annuel. En 1981, feu Hassan II avait pris la même décision à cause de la sécheresse associée à une conjoncture économique difficile, marquée par le fameux plan d’ajustement structurel. En 1995, c’est le ministre des Habous et des affaires islamiques, Abdelkebir El Mdaghri, qui avait lu un message de feu le roi Hassan II dans lequel il affirmait que, à cause d’une saison agricole catastrophique, l’Aïd ne serait pas fêté.
Le quotidien Al Ahdath al Maghribia rapporte, dans son édition du jeudi 28 mai, que ceux qui privilégient aujourd’hui l’hypothèse de l’annulation du sacrifice ont cru en détecter les signaux dans les propos tenus, mardi dernier, par le ministre de l’Agriculture devant la Chambre des conseillers. Sauf que Aziz Akhannouch n’a évoqué que les problèmes logistiques relatifs à l’encombrement dans les marchés de bétail et les risques de contamination par le virus que ces rassemblements pourraient provoquer. Le ministre a même clairement précisé que ces problèmes n’étaient aucunement liés à la célébration de l’Aïd dans les foyers. D’ailleurs, Akhannouch a souligné que son département, en coordination avec le ministère de l’Intérieur, était en train d’étudier la manière de gérer ces marchés pour que l’Aïd se passe dans les meilleures conditions possibles. Il a de même indiqué que l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) avait procédé à la vaccination de 2,6 millions de têtes.
Le problème se situe surtout au niveau de la bourse des ménages, notamment des familles les plus démunies, qui souffrent le martyr depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire. Le nombre de chômeurs s’est accentué avec l’arrêt de l’activité économique. Le nombre de personne qui n'auront pas les moyens d'acheter le mouton de l’Aïd Al-Adha va ainsi quadrupler par rapport aux années précédentes. Les éleveurs qui ont, eux aussi, énormément pâti de la crise épidémiologique, en sont conscients. Ils ont donc fait appel au gouvernement pour être autorisés à vendre leur bétail directement, sans l’intervention d’intermédiaires. Par ailleurs, les agriculteurs demandent aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour que cette opération puisse compenser les pertes causées par la pandémie, tout en tenant compte du faible pouvoir d’achat du consommateur marocain.