Dans son dossier hebdomadaire, Al Massae a consacré quatre pages à l’anarchie des armes dans le nord du Maroc. Fruit d’une enquête sur le terrain, le dossier révèle d’autres côtés méconnus sur ce phénomène. S’il est de notoriété publique que les barons de la drogue disposent d’armes à feu, ce que l’on sait moins c’est qu’ils disposent d’équipements développés contrairement aux agriculteurs qui ne disposent que de fusils. Objectif annoncé : instaurer un équilibre de la peur avec le rival. Une fois qu’un voisin est armé, le propriétaire mitoyen y réfléchit à deux fois avant de s’en prendre à lui. Pourtant, les autorités locales savent pertinemment que les paysans et les agriculteurs cultivent le cannabis. Or, la loi est claire à cet égard. Pour acheter une arme, il faut avoir un casier judiciaire vierge, ne pas cultiver le kif, acheter l’arme auprès d’un vendeur agréé et présenter une copie de la carte d’identité. Pourtant, dans ces régions, la plupart ne remplissent pas ces conditions.
Armes de dissuasion non classiques
Plusieurs témoins interrogés par Al Massae ont confié avoir graissé la patte de certains fonctionnaires. Mohamed, un agriculteur, avoue avoir économisé 26.500 DH pour acheter un fusil d’apparence normale, mais en réalité amélioré et pouvant supporter plusieurs cartouches. Dans un précédent article, Al Massae avait établi que les armes sont partout dans les zones de culture de cannabis et menacent la paix sociale. Les chiffres le confirment. L’année dernière, 60 conflits où des armes à feu ont été utilisées ont été enregistrés, dont certains ont tourné en film hollywoodien. Cette dérive sécuritaire a poussé les citoyens à parler de «peur générale». La collusion d’agents d’autorité ne facilite pas les choses. L’agriculteur ne comprend pas pourquoi son voisin dispose d’une arme et lui non, alors qu’ils cultivent la même plante, écrit Al Massae. Un agriculteur reconnaît avoir donné un pot de vin de 3.000 DH pour enlever l’étiquette de cultivateur de cannabis d’un agent d’autorité. De plus, le circuit légal n’est pas la seule source d’achat des armes, d’autres circulent sous le manteau, ce qui rend la quantification des armes en circulation extrêmement difficile. Les conflits entre mafieux sont d’ailleurs un excellent motif pour les convoyeurs cherchant à protéger leurs livraisons et leurs voitures kamikazes qui foncent à tombeau ouvert, tous feux éteints.
Pots de vins
D’après les infos recueillies par l’enquête du journal, le prix des armes varie selon les types. Il oscille entre 3.000 et 7.000 DH. Abdellah Nourou, président de la Confédération de Ghmara pour le développement, affirme que l’octroi des ports d’armes est utilisé pour régler des comptes politiques et que les barons de la drogue disposent d’armes développées. Cela dit, le port d’armes rend son détenteur suspect aux yeux de tous, objet d’extorsions de la part des politiciens et des fonctionnaires ou pour leur dicter une conduite.
Plusieurs témoins attestent avoir donné des pots de vins pour décrocher un permis de port d’armes. L’ampleur du phénomène n’est pas très alarmante, mais assez sérieuse pour que l’Etat réagisse avec fermeté.