Jeudi 17 août, Rambla de Barcelone. Il est 17 heures, la grande artère de la capitale catalane est bondée. Mouad, 28 ans, servait les clients sur la terrasse du café Véa 70, à 200 mètres de ce haut lieu touristique, en face du "Gran Teatro", quand, soudain, il a vu les gens courir dans tous les sens. Que se passe-t-il? La panique est à son comble. Tout à coup, "une fourgonnette surgit de nulle part", raconte Mouad, des trémolos dans la voix. "Un bébé, 3 ans à peu près, est passé sous les roues", relate-t-il, sans pouvoir retenir ses larmes.
"J'étais impuissant, je ne pouvais rien faire, une violente émotion me remontait dans la gorge en regardant le bébé se tordre avant de rendre l'âme sous l'oeil affligé de ses parents", décrit-il.
Pas loin de l'insoutenable scène, une compatriote marocaine est affalée par terre après avoir été percutée par la sinistre fourgonnette sous le regard impuissant de sa fille. A quelques mètres de là, un autre Marocain, la soixantaine, gît par terre après avoir été renversé par le véhicule sous les yeux de sa femme, qui tente en vain de le relever. "Une scène d'apocalypse!", s'émeut Mouad, ressortissant marocain résidant à Barcelone avec ses parents depuis 13 ans.
"Dans la panique qui a saisi les lieux, j'ai vu des gens apeurés en renverser d'autres sur leur passage", relate-t-il encore, précisant avoir tout vu derrière les vitres du café Véa 70, où il s'était retranché avec ses collègues sur ordre de quatre policiers qui faisaient le guet sur les lieux.
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"Habituellement, les éléments de la Guardia Civil font le guet séparés en deux groupes. Mais ce jeudi soir, ils se sont regroupés et ont tiré à quatre en direction de la fourgonnette qui continuait à faucher des vies humaines", indique le jeune homme, précisant que le véhicule, par qui le malheur est arrivé, a été immobilisé sous le déluge des coups de feu qui provenaient de la même direction. "Les terroristes qui roulaient à bord de la fourgonnette étaient au nombre de deux", enchaîne-t-il, indiquant que selon les premières indiscrétions, la fourgonnette aurait été louée par l'un des assaillants, identifié comme un Marocain qui serait arrivé à Barcelone, en provenance de Marseille".
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La célérité avec laquelle les éléments de la police, combinés aux services de la protection civile, sont arrivés sur place est louée par Mouad. "Dix minutes après le drame, un nombre impressionnant de policiers sont venus en renfort et ont quadrillé le lieu du drame", fait-il valoir. "Nous avons été sommés de rentrer à l'intérieur du café Véa 70, où nous sommes restés planqués jusqu'à 20 heures". "Ensuite, nous avons été accompagnés par des éléments de la Guardia Civil qui nous ont remis à d'autres se trouvant à l'extérieur du périmètre de sécurité". "Je suis rentré chez moi très tard", indique-t-il, soulignant "ne pas avoir réussi à dormir tellement il est resté obnubilé par le spectacle terrifiant de corps gisant dans le sang, en particulier par l'image du bébé de 3 ans mort sous les yeux de ses parents".
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"Ce vendredi, la vie semble avoir repris sur la grand-place de Barcelone", témoigne Mouad, révolté à l'idée que l'acte terroriste ait été perpétré par un ressortissant marocain. "J'espère que l'identité de l'auteur de cet acte ignoble ne sera pas un prétexte à des actes xénophobes contre la communauté marocaine établie en Espagne". Un vœu partagé par Younès Refaï, un ami de Mouad, qui craint à son tour que les ressortissants marocains ne fassent désormais l'objet de "délits de faciès".