A 20h, ils étaient 100.000 à se rassembler sur la place de la République, à Paris, où des bougies se sont illuminées sur les pavés, en ce jour de deuil. Jour de tristesse et de stupéfaction. Les visages sont graves et les regards brûlés par les armes. Beaucoup brandissent des pancartes portant cette inscription: «Nous sommes tous des Charlie». Et ces mots, en grandes lettres lumineuses, se déroulent dur la place, cri de dignité face à la lâcheté sanguinaire qui a brandi des armes contre des hommes armés de crayon et fait de ce jour un irréparable jour de sang: «Not afraid», nous n’avons pas peur. François Hollande a annoncé, pour jeudi, une journée de deuil national. Les drapeaux resteront en berne pendant trois jours. Ce soir, les médias français annonçaient l’identification des trois criminels qui ont décimé la rédaction de Charlie Hebdo: deux frères, Saïd K. et Chérif K., nés respectivement en 1980 et en 1982, à Paris, et Hamyd M., né en 1996 et âgé donc d’à peine 18 ans. Pour ce qui est des deux frères, l'un d'entre eux était connu des services de police qui le soupçonnaient d’envoyer des combattants en Irak. Le quotidien marocain Libération revient, dans son édition de ce jeudi 8 janvier 2015, sur un jour de «barbarie en plein Paris».
Charlie Hebdo décimé Ils ont pénétré, ce matin, les locaux du journal au moment où se tenait la conférence de rédaction hebdomadaire en présence de toutes les grandes figures de Charlie Hebdo qui a perdu aujourd’hui ses plus grandes signatures, celles d’hommes dont d’aucuns ont loué, en ce jour de larmes et de stupéfaction, l’humanisme et le courage. Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, les grands dessinateurs de Charlie Hebdo, tombent sous les tirs des deux hommes armés et cagoulés de noir qui feront irruption dans la rédaction. La rédaction la plus surveillée de France depuis 2006, après les menaces qui avaient déferlé suite à la publication des fameuses caricatures de Mahomet. «Le journal satirique avait déjà été victime d’actes de vandalisme en novembre 2011 lorsque ses locaux furent incendiés après l'annonce de la sortie d'un numéro baptisé "Charia Hebdo", avec "Mahomet rédacteur en chef". L’acte n’avait pas fait de victime. Mais depuis la première affaire des caricatures de Mahomet que l’hebdomadaire avait diffusées, il était la cible de menaces constantes», rapporte encore Libération. L’économiste Bernard Maris sera de même assassiné. Douze personnes, dont deux policiers, périront, en cette matinée de terreur, sous les salves des criminels qui pendront ensuite la fuite. C’est en regagnant la voiture qui les attendait dans la rue qu’ils abattront, au passage, un policier à terre, les bras levés, n’opposait aucune résistance mais qu’ils tiendront à achever quand même. «Nous avons vengé le prophète Mohamed», crieront-ils, «Allah Akbar». L’hypothèse terroriste islamiste se confirme. «Au regard de l’ampleur de l’attentat terriblement violent, les enquêteurs, sous le choc, n’arrivaient toujours pas dans leurs premières conclusions à définir le déroulé de cette journée noire pour la France et la presse française. Le commando composé au moins de deux individus professionnellement bien organisé et visiblement bien entraîné, au maniement des armes automatiques, des spécialistes en la matière au vu des précisions des impacts des balles et ultra motivés en ciblant le siège de l'hebdomadaire satirique, visaient surtout la liberté d’expression, un symbole de la démocratie dont la France a fait son cheval de bataille», souligne Libération qui précise que quatre blessés sont encore entre la vie et la mort.
L’attentat le plus meurtrier depuis 50 ans: Le monde sous le chocFace à ce terrible carnage qui fera de cet attentat l’attentat le plus meurtrier en France depuis 50 ans, de nombreuses figures politiques ont réagi à travers le monde, faisant écho au désarroi des Français et de leur président. «La Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la Russie et le Culte musulman français ont été les premiers à condamner cet acte barbare et l’un des plus meurtriers jamais perpétrés sur le sol français», rapporte Libération. La Maison Blanche, à travers le porte-parole du président américain Barack Obama, John Earnest, s’est ainsi dite «solidaire des familles de ceux qui ont été tués ou blessés dans cette attaque.» Le Premier ministre britannique David Cameron a, pour sa part, qualifié de «révoltante» cette attaque sanglante perpétrée contre la rédaction de Charlie Hebdo et appelé, précise le quotidien, «à l'union avec la France face au terrorisme et pour la démocratie». Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a pour sa part dénoncé cet «acte intolérable», «une barbarie qui nous interpelle tous en tant qu'êtres humains et Européens».
Cet après-midi, John Kerry a adressé, en français, un émouvant discours en hommage aux journalistes de Charlie Hebdo. Parmi les témoignages les plus poignants, celui de l’ancien directeur de Charlie Hebdo, Philippe Val, qui a eu ces mots déchirés par les sanglots: «Je vais très mal, mais c’est normal, non? J’ai perdu tous mes amis aujourd’hui. C’était des gens tellement vivants, qui avaient à cœur de faire plaisir aux gens, de les faire rire, de leur donner des idées généreuses, a continué l’ancien directeur du magazine satirique et de France Inter. C’était des gens très bons. C’était les meilleurs d’entre nous forcément, comme tous les gens qui font rire, qui sont pour la liberté, comme tous les gens qui sont pour qu’on puisse aller et venir librement en sécurité. Ils ont été assassinés, c’est une boucherie insupportable.»