C’est le quotidien Assabah qui a fait éclater cette affaire, dans son édition de ce mercredi 17 décembre, citant des sources issues de l’Association nationale des entreprises de gestion et de location des souks hebdomadaires, des abattoirs et des équipements publics. Il s’agit de l’existence de pratiques frauduleuses dans les procédures d’attribution de marchés publics, sur la base de documents fournis par des concurrents à des appels d’offres portant sur la location de services collectifs. Ces pratiques mettent en cause des présidents de communes, soupçonnés de collusion avec des intermédiaires opérant dans les marchés hebdomadaires, en acceptant des déclarations falsifiées concernant le nombre de salariés déclarés à la Caisse nationale de sécurité sociale.
Un candidat à un appel d’offres pour la gestion d’un marché hebdomadaire et d’équipements relevant d’une commune située dans la province de Khémisset a présenté un document attestant que son entreprise déclarait quarante employés à la CNSS, alors même que la société venait tout juste d’être créée quelques jours auparavant, rapporte Assabah. Or, l’obtention de ce type d’attestation n’est normalement possible qu’après au moins trois mois d’activité effective des salariés déclarés. Ce cas est présenté comme emblématique de dérives plus larges, où la conformité sociale affichée servirait principalement à satisfaire formellement les critères d’éligibilité aux marchés publics, sans correspondre à une réalité économique ou sociale.
Les irrégularités relevées par l’organisation professionnelle ne se limiteraient pas à l’usage de fausses déclarations auprès de la CNSS. Elles iraient jusqu’au recours à des sociétés écrans, utilisées par des entreprises déjà inscrites sur des listes noires en raison de leur implication dans des affaires de corruption ayant conduit, par le passé, à la révocation de présidents de communes et à la suspension de responsables de l’administration territoriale. Ces montages permettraient à des acteurs écartés officiellement des marchés publics de continuer à opérer indirectement, en contournant les mécanismes de contrôle.
D’autres candidats auraient également contourné la condition d’expérience exigée pour l’exploitation des marchés hebdomadaires, en mandatant des sociétés tierces pour soumissionner en leur nom, a-t-on lu dans Assabah. Cette pratique viserait à masquer le fait que les bénéficiaires réels n’ont aucun lien avec le secteur des marchés hebdomadaires, nombre d’entre eux étant, selon les informations recueillies, des gérants de cafés, de complexes touristiques ou d’espaces balnéaires, sans expertise avérée dans la gestion de ce type d’équipements collectifs.
Ces révélations interviennent dans un contexte où les marchés hebdomadaires font déjà l’objet de critiques récurrentes de la part du ministère de l’Intérieur. Des rapports officiels ont mis en évidence de multiples dysfonctionnements, liés notamment à des modes de gestion jugés dépassés. Les autorités estiment nécessaire de passer à des mécanismes plus rationnels, reposant soit sur une coopération intercommunale, soit sur des partenariats mieux encadrés avec le secteur privé. Une étude a ainsi été réalisée pour dresser un diagnostic global de la situation des marchés hebdomadaires et aboutir à l’élaboration d’un guide visant à organiser leur fonctionnement et à accompagner leur restructuration. Cette réflexion inclut aussi l’éventualité d’exploiter les espaces périphériques des grandes villes pour accueillir et organiser les vendeurs ambulants.
La direction des affaires juridiques, des études, de la documentation et de la coopération au sein du ministère de l’Intérieur, à travers son service de la police administrative, a de son côté relevé les limites des deux modes de gestion les plus répandus, à savoir la gestion directe et la location. Ces modes présentent de nombreuses contraintes, parmi lesquelles l’incapacité à maîtriser les recettes des marchés, l’absence fréquente de décisions réglementaires claires et le manque de ressources humaines qualifiées et en nombre suffisant.
L’administration souligne la nécessité de prendre en compte, en amont de la création ou de la délégation d’un marché hebdomadaire, les moyens humains, matériels et les outils de suivi, ainsi que l’importance de recourir à l’ensemble des formes de gestion prévues par la réglementation, allant de la gestion directe à la gestion déléguée, en passant par la coopération, le partenariat et les sociétés de développement local. Dans cette perspective, il est également avancé qu’il n’est pas indispensable que chaque commune dispose de son propre marché hebdomadaire, ni que celui-ci se tienne systématiquement une fois par semaine.
Un modèle plus flexible et plus dynamique pourrait, au contraire, être un atout pour le développement local et s’inscrire dans une vision plus large de l’aménagement du territoire. Les souks hebdomadaires sont en effet considérés comme une composante structurante de l’organisation spatiale du pays, comme le marché de Guelmim, dont le rayonnement dépasse largement les frontières nationales. Mais cette importance stratégique contraste aujourd’hui avec des pratiques entachées de soupçons de fraude sociale et de manipulation des procédures, qui interrogent la crédibilité et la transparence de l’accès aux marchés publics.








