Près d'un décès sur 6 dans le monde est dû actuellement au cancer, alors que 70% de ces décès surviennent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé. Après de longs combats pour vaincre cette maladie fâcheuse, le développement d'une nouvelle technologie innovante par le chercheur marocain Amin Hajitou est venue révolutionner les traitements anticancéreux grâce à des "bactériophages" ou des "virus bactériens".
En effet, malgré l'accessibilité du traitement actuel des cancers par le biais de la chimiothérapie, la radiothérapie ou l'hormonothérapie, cette pathologie demeure imbattable. Ceci est dû, entre autres, à l'inefficacité de ces traitements, dont seulement 5% à 10% de la dose injectée aux patients atteint les tumeurs, ce qui provoque des effets secondaires très lourds chez les patients et affaiblit, à la longue, leur système immunitaire.
Le nouveau traitement développé par M. Hajitou, chef d’une équipe de thérapie génique et directeur des études doctorales en médecine, neuroscience et santé mentale au sein de la prestigieuse université "Imperial College de Londres", devrait entrer dans la phase des essais cliniques en fin de cette année.
Ce traitement consiste en l'utilisation de "virus bactériens" manipulés génétiquement et transformés en particule pour détruire des cellules cancéreuses.
Cette méthode, appelée aussi "viro-thérapie", a été évoquée cette semaine par le quotidien britannique “The Evening Standard” et par la publication scientifique “The New Scientist”. Ces bactériophages seraient capables de s’attaquer à tout type de tumeurs, y compris les cancers de cerveau, considérés très “agressifs”, “incurables” et mortels pour la majorité des patients dès la première année de diagnostic.
Interviewé par la MAP sur cette découverte, Pr. Hajitou explique que les virus bactériens "sont des nanoparticules d’une longueur de 880 nanomètres qui existent partout, même dans nos estomacs et nos intestins". Mais, contrairement aux virus humains, ils ne sont pas nuisibles à la santé, mais survivent seulement dans des bactéries et nous protègent contre elles.
D’après le biologiste décoré d’un Wissam Royal en 2015, pour sa découverte préliminaire de ce virus en 2006, qui “l’a vivement encouragée pour intensifier ses recherches”, ce traitement ambitionne de guérir tout type de cellules tumorales. Les travaux récents de son équipe se focalisent sur les tumeurs du cerveau les plus incurables, étant l’un des cancers les plus destructifs et mortels.
La durée de survie des patients atteints de ces tumeurs cérébrales, aussi appelées “gliomes” ou “glioblastomes”, est variable, mais le taux de mortalité demeure très élevé, précise Pr Hajitou, faisant savoir que plus de 50% des patients diagnostiqués avec ces tumeurs décèdent dans les 14 mois suivant le diagnostic, tandis que 90% meurent dans les 3 années de leur maladie et 99% meurent généralement dans les 5 ans, suivant la détection de ces tumeurs.
Ce taux très élevé de mortalité revient notamment au mauvais ciblage des tumeurs et à la barrière hémato-encéphalique. Le premier facteur signifie que les traitements anticancéreux, comme la chimiothérapie ou autres, ne visent pas seulement les cellules tumorales lorsqu’ils sont injectés au patient par voie intraveineuse, orale ou autre méthode clinique, mais atteignent aussi les tissus sains.
Pour ce qui est de la barrière hémato-encéphalique, qui est censée protéger le cerveau humain contre tout corps étranger à l’instar des microbes ou des substances toxiques, celle-ci bloque le traitement anti-cancéreux, quand il arrive à la tumeur cérébrale par le biais de la circulation sanguine.
Ces deux facteurs ne constituent pas, toutefois, les seuls obstacles au traitement de la cellule cancéreuse. "La dose minimale du traitement qui traverse cette barrière hémato-encéphalique va devoir affronter un autre obstacle, celui de la résistance qu’affiche généralement les tumeurs", explique le chercheur, faisant savoir que les tumeurs cérébrales “sont particulièrement connues pour leur résistance au traitement”.
Par ailleurs, l’avantage du traitement par les bactériophages est qu’aucune de ces barrières ne pourrait empêcher un virus bactérien d’entrer dans une cellule cancéreuse. D’abord, parce que les virus bactériens ont une capacité naturelle de traverser la barrière hémato-encéphalique, en toute sécurité, d’où leur utilisation auparavant dans le traitement des méningites et des infections bactériennes avant la découverte des antibiotiques.
Encore faut-il mentionner, que ces virus bactériens n’affectent pas les cellules ou tissus humains mais seulement des bactéries, donc ils sont incapables d’entrer ou de s’accumuler dans des tissus normaux, après leur injection chez l’Homme.
Le défi était donc d’aider ce virus à interrompre la cellule tumorale. Etant donné que les tumeurs sont à la base des cellules anormales en constante croissance, elles ont besoin de nouveaux marqueurs spécifiques pour croître. Il a été donc remarqué que ces cellules disposent de ces récepteurs à leur surface et qu'ils leur permettent de “se nourrir” et d'attirer les vaisseaux sanguins.
Le travail de M. Hajitou et son équipe a donc porté sur la modification génétique de ce virus de sorte à ce qu’il s’attache à des récepteurs ou des marqueurs spécifiques, afin qu’il puisse percer les cellules tumorales et livrer un gène qui produit une protéine toxique, permettant de détruire la tumeur cérébrale.
Enfin, pour surmonter la barrière de la résistance au traitement, Dr Hajitou et son équipe a rajouté au virus bactérien des éléments qui le rendent beaucoup plus actif dans les tumeurs résistantes, afin qu'il devienne extrêmement actif une fois à l'intérieur des cellules tumorales et puisse produire davantage de protéines toxiques à des niveaux capables de détruire la tumeur.
"Quand le virus s'attache à une cellule tumorale avec des protéines à leur surface, la tumeur va croire que c'est un facteur de croissance et de nutrition et va lui permettre d'entrer", a révélé M. Hajitou, poursuivant que cette technique qui représente “une évolution dirigée du virus”, a été déjà prouvée auparavant par l’inventeur George Smith.
Quand la découverte de M. Smith a "récolté le prix Nobel en 2018, ceci a été une grande victoire pour nos travaux”, s'est félicité le chercheur marocain.
L’invention de Pr. Hajitou devrait entrer dans la phase clinique à la fin de cette année. Avant qu’un traitement soit commercialisé, il faut d’abord qu’il traverse deux étapes de la recherche clinique, à savoir l’examen de l’impact du traitement sur la santé et l’étude de l'efficacité du traitement, avant de franchir la troisième étape du financement.
Pr. Hajitou révèle à la MAP avoir collaboré avec l'Hôpital pédiatrique Saint Juan Deus à Barcelone, qui envisage de lancer les essais cliniques dans les trois années prochaines contre des tumeurs cérébrales, qui peuvent tuer 99% des enfants dans un délai de deux ans, face à l'inefficacité du traitement chimique.
Il est donc le premier chercheur à avoir des résultats notoires de traitement contre ce type de tumeurs agressives. D'après le professeur chercheur, de grands laboratoires ont exprimé leur intérêt d'acquérir son produit si ce médicament passera les deux phases d’essais cliniques avec succès, “chose qui est très envisageable”, selon lui.
Pr. Hajitou assure que "les bactériophages ont été injectés à des patients atteints de cancer pendant des semaines, mais ils n’ont affiché aucun signe de toxicité".
Ils ont été également injectés à des souris et à des chiens de compagnie présentant des tumeurs cérébrales et cette expérience a montré d’énormes améliorations et dans certains cas, une régression complète des tumeurs et une réponse complète au traitement, a-t-il ajouté.