"J'avais la gorge serrée. On s'attendait à des petites phrases comme ça, mais en étant devant un mémorial avec des fleurs, en mode recueillement, on prend une gifle", raconte à l'AFP la jeune femme de 27 ans, qui a publié un livre et créé une association après la mort de sa mère.
Jusque-là, Hanane Charrihi n'avait jamais éprouvé un tel rejet, même si elle avait déjà perçu un changement: depuis le premier des attentats jihadistes ayant frappé la France, le 7 janvier 2015 contre le journal satirique Charlie Hebdo, la situation s'est tendue pour les musulmans, et notamment pour les femmes qui, comme elle, portent le foulard.
Fille de Marocains arrivés en France dans les années 1970, elle ne s'est "jamais sentie exclue" dans le quartier où elle a grandi sur les hauteurs de Nice. En région parisienne, où elle vit depuis son mariage il y a sept ans, elle ne se sent pas non plus ostracisée à cause de son voile. Certes, il y a des regards, notamment quand elle va à Paris, mais c'est "de la curiosité plus que de la méchanceté".
La claque, pour elle, est venue avec les commentaires entendus le jour d'un grand rassemblement organisé à Nice à la mémoire des 86 victimes - dont sa mère-, tuées dans l'attaque d'un Franco-Tunisien au volant d'un camion meurtrier, un attentat revendiqué par le groupe Etat islamique.
"On ne veut plus de vous ici", "cassez-vous".... Qu'importe si elle porte le deuil de sa mère: "tant mieux! Ca en fait une de moins", lui lance un passant.
Pour elle, c'est "la double peine": "la peur de Daech (acronyme arabe de l'EI) comme tout le monde mais en plus, la peur des racistes". "Quand je prends le métro à Paris, je ne me mets pas au bord du quai, j'ai trop peur qu'on me pousse. Je mentirais si je disais que je n'ai pas peur", confie la jeune femme aux yeux noirs autour d'un verre de thé, dans son appartement d'Aulnay-sous-Bois près de Paris.
Hanane Charrihi pense que les politiques ont une "responsabilité énorme" dans l'amalgame fait entre musulmans et terroristes, elle voit une forme d'"acharnement" contre sa communauté dans les discours politiques avant la présidentielle. "C'est le turbo de la course à l'Elysée. Si on met un peu d'islam dans sa voiture, elle avance plus vite. C'est logique parce que tout le monde a peur de Daech".
Elle regrette aussi que les médias se focalisent sur une minorité qui "ne représente pas les musulmans de France dans leur ensemble".
"Ils interrogent des imbéciles de 16 ans qui racontent n'importe quoi. Pourquoi ils ne montrent pas les jeunes qui ont fait leurs études islamiques en France, les imams de la République?", s'interroge cette mère de deux petits garçons.
Pour lutter "contre les amalgames", cette préparatrice en pharmacie devenue mère au foyer à la naissance de son premier enfant a choisi de prendre la parole. Elle a publié un livre, Ma mère Patrie pour raconter "l'islam de paix, de respect et de tolérance" que sa mère Fatima lui a enseigné, et affirmer haut et fort: "ma mère n'est pas coupable. Ce n'est pas une terroriste".
Elle crie aussi son amour à la France. Un attachement transmis par sa mère, qui voulait qu'elle "trouve sa place dans la société". "Ma mère était une bonne Française, même si elle n'était pas née en France et qu'elle n'avait pas la nationalité française", insiste-elle.
Portée par les centaines de messages de soutien reçus après la mort de sa mère, elle lance une association avec son frère Ali et sa soeur Latifa pour sensibiliser les jeunes aux dangers de la radicalisation et promouvoir un discours d'union.
"J'ai perdu l'être le plus cher mais ils ne m'ont pas abattue. C'est ma manière de me venger. Nous diviser, c'est exactement ce que veut Daech".