Le ministre de la Santé, Houssine El Ouardi, a donné ses instructions pour retirer du Secrétariat général du gouvernement (SGG) la réforme de la loi 10-94 relative à la libéralisation du capital des cliniques. Il abdique de la sorte devant le lobbying des médecins du secteur libéral et celui des cliniques privées qui s’opposaient farouchement aux investissements privés dans le domaine de la santé. Ces derniers ont ainsi réussi à préserver un monopole unique dans la région MENA : seuls les médecins peuvent construire et gérer des cliniques et hôpitaux au Maroc. Un investisseur, hors corporation des médecins, n’a pas le droit d’investir dans un secteur, qui souffre pourtant d’innombrables carences et défauts, même s’il apporte des milliards de dirhams.
Une source au ministère de la Santé, qui a requis l’anonymat, ne cache pas son amertume. Elle rappelle que l’ancienne ministre de la Santé, Yasmina Baddou, avait présenté la réforme de la loi 10-94 au SGG, en tenant bon devant les pressions des médecins du secteur privé. "Baddou a initié un débat. Elle s’est engagée à ce que la libéralisation du capital ne se fasse qu’avec des règles juridiques claires et des mécanismes précis qui garantissent et protègent l’indépendance des médecins", affirme notre source.
C’était sans compter avec la détermination des détracteurs de cette loi. Le Syndicat national des médecins du secteur libéral a mené une bataille sans merci pour avorter l’ouverture du capital des cliniques aux investisseurs. Il a brandi ce slogan, non dépourvu de démagogie : "non à la marchandisation de la santé". Un autre syndicat a tout aussi bien lobbyé, mais avec plus de discrétion : le Syndicat national des cliniques privées du Maroc. Contacté par Le360, son président Ahmed Filali a affirmé ne pas être au courant de la nouvelle. Il s'est montré plutôt satisfait. Et de préciser : "une décision contraire aurait déclenché tout un scandale". " Nous avons monté un lobby et nous espérons faire plus pour que le corps médical ne devienne pas la cible des prédateurs qui entachent sa réputation", a souligné El Filali.
Un certain lobby décide de notre santé
Notre source au ministère de la Santé explique que les motifs invoqués par les syndicats ne sont que des expédients pour préserver "une manne financière". Elle s’écrie : "la position de ces lobbys est cynique. Au nom de la non commercialisation de la santé des citoyens, ils tiennent des discours éthiques dignes de la cité idéale, alors que chaque jour apporte son lot de scandales commerciaux dans les cliniques privées et qu’aucun patient ne peut y être admis sans laisser un chèque de caution déposé à la réception, autrement il est jeté dehors".
La même source ajoute qu’à l’instar des autres pays qui ont ouvert depuis des années le secteur de la santé aux investisseurs, les médecins auraient été les principaux bénéficiaires. "Leur rémunération aurait augmenté, les conditions de travail amélioré, les équipements aussi… Mais la minorité qui détient les cliniques ne l’entend pas de cette oreille. Elle continue de tenir en otage la santé des Marocains et empêche de relever le niveau de la santé au Maroc".
Le ministre de la Santé, Houssine El Ouardi, a commencé par donner de bons signes sur sa volonté à améliorer la santé au Maroc. Il a décidé d'interdire aux médecins du secteur public d’exercer dans le secteur privé, allant jusqu’à menacer de sanctions les médecins et les cliniques privées qui ne respecteraient pas cette décision. Peu de temps après, il est revenu sur cette décision, donnant ainsi un indice fort de son incapacité à résister aux pressions. C’est à se demander : à quoi bon organiser en grande pompe les 2ème assises de la santé, alors que tout le monde sait qu’un certain lobby décide de notre santé ?