Le 1er mai prochain, le monde entier célèbrera, comme chaque année, la fête du travail. Mais cette année, les Marocains auront droit à une fête chômée particulière, la première célébrant les droits (bien souvent bafoués) des travailleurs domestiques.
Avancée sociale majeure concernant toute une catégorie de travailleurs dans leur écrasante majorité travaillant encore dans l'informel, la nouvelle loi sur le travail domestique ne pourra être en effet mise en œuvre qu’après la publication du bulletin officiel du décret du 10 janvier 2019 adopté en conseil de gouvernement. Coïncidence ou non, la date choisie, qui reste à préciser, le sera à partir de ce 1er mai 2019.
A la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), l'organisme de prévoyance sociale du royaume, tout est déjà prêt et finalisé pour accueillir les bataillons de domestiques, que leurs employeurs sont désormais sommés de déclarer, et, selon nos sources, tous les moyens prévus par la nouvelle loi sont d'ores et déjà mis en place pour accueillir les nouveaux venus.
Interrogée par Le360, une source de la CNSS atteste qu’«en terme de mise en œuvre et d’application, la CNSS a préparé et finalisé au préalable la campagne de communication, les spots et les affiches» qui accompagneront la promulgation de la loi.
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«Après la publication du décret, le nombre de contractants [aux prestations de la CNSS, Ndlr] seront très certainement à la hausse», nous assure cette source.
Celle-ci nous apprend également qu'une «adaptation du système informatique a été effectuée afin d’accueillir [les] nouveaux affiliés. Le feu vert sera donné dès lors que le décret du 10 janvier sera publié. Il s'agit là d'une avancée sociale qui pourra bénéficier à de très nombreux travailleurs, souvent lésés dans leurs droits».
Il est bien entendu extrêmement ardu de quantifier le nombre précis de travailleurs domestiques au Maroc, puisque ceux-ci sont rémunérés, aujourd'hui encore, de manière totalement informelle par leurs employeurs.
Aujourd'hui, 204 contrats de travail liant un(e) domestique à son employeur ont été déposés, un chiffre bien évidememnt très faible au regard du nombre des travailleurs domestiques au Maroc.
Toutefois, ce nombre, bien qu'extrêmement anecdotique, est d'ores et déjà en légère progression par rapport à la mi-décembre 2018, où la CNSS n'avait jusqu'alors enregistré que 108 contrats sur l'ensemble du royaume.
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Mais pour que les avantages sociaux spécifiés par la nouvelle loi sur le travail domestique puissent voir le jour, selon notre source auprès de la CNSS, «une commission doit se réunir pour analyser les éléments du décret avant sa publication» sur le Bulletin officiel.
Il faut dire que les termes de cette nouvelle loi sont innovants, très avant-gardistes dans un pays du sud: 24 heures de repos hebdomadaire sont en effet prévus par le législateur, ainsi qu'un salaire minimum mensuel de 1.542 dirhams, soit 60% du SMIG, tel que défini par le Code du travail.
Pour bénéficier de cette avancée sociale, nul besoin d’une tonne de paperasserie ou de dizaines d'allers et venues dans les couloirs de la CNSS. Notre source auprès de la caisse explique la démarche à effectuer: «il suffira à l’employeur de s’affilier et de s’enregistrer à la CNSS, d'y remettre son contrat, son RIB et la carte d'identité de l’employé(e)». Simple à première vue, en effet.
La loi prévoit aussi, dans les termes obligatoires du contrat, que soit spécifiée sa durée, c'est à dire si le contrat est à durée déterminée ou indéterminée. Mais ce n'est pas tout: ce contrat de travail devra par ailleurs être légalisé par les agents des services communaux, et envoyé à l’inspection du travail, contre un récépissé. Et attention: si cette formalité n'est pas respectée, l'employeur est passible d'une amende de 3.000 à 5.000 dirhams, selon les termes de cette nouvelle loi.
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Venons-en à présent aux prestations que fournira la CNSS en contrepartie de la remise de ce contrat liant l'employeur et son travailleur domestique. Et d'abord, cette question épineuse: quels en seront les coûts supportés par les deux parties?
Une source bien informée, et proche de ce dossier, également interrogée par Le360, assure qu’«une fois enregistré, l’employé accède à une multitude de prestations sociales de la CNSS, palpables subdivisées en deux sortes: les prestations à court terme et les prestations à long terme».
La CNSS propose en effet une panoplie de produits, offrant une multitude de services.
La source interrogée par Le360 indique ainsi que «les prestations de long terme coûteront 11,89% du salaire, applicables à partir de 60% du SMIC, soit 1542 dirhams, plafonné à 6000 dirhams mensuel. 2/3 seront à la charge de l’employeur et 1/3 à la charge de l’employé».
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Ainsi, «en cas d’accident de travail, une pension d'invalidité sera versée au bénéficiaire, la retraite ainsi que la pension pour le survivant sont aussi prévues» ajoute notre source.
Les allocations familiales, quant à elles taxées à hauteur de 6,4% du salaire, et à la charge de l’employeur «seront versées en fonction du nombre d’enfants de l’employé».
«Les prestations de court terme coûteront 1,57% du salaire, applicables elles aussi à partir de 60% du SMIC, et plafonnées à 6.000 dirhams mensuels», ajoute notre source, qui précise aussi que «tout comme les prestations de long terme, les prestations de court terme seront à la charge des deux parties, 2/3 seront à la charge de l’employeur et 1/3 à la charge de l’employé».
Ce n'est pas tout. «L'indemnité de perte d’emploi (IPE) involontaire permettra au contracté de bénéficier d’un montant forfaitaire pendant 6 mois», nous précise-t-on. De quoi protéger les travailleurs domestiques d'une précarité forcément injuste, liée à un licenciement brutal.
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La CNSS a également prévu le remboursement des frais médicaux ainsi que le versement d'indemnités liées aux arrêts maladies.
«L’assurance-maladie sera appliquée à hauteur de 6,37% du salaire: 4,52% payé à part égal entre le contractant et le contracté, 1,85% à la charge de l’employé. Et en cas d’accouchement, l’indemnité journalière est prévue pendant 14 semaines», ajoute notre interlocuteur.
Voilà de quoi permettre aux travailleurs domestiques, au statut plus que précaire, de recouvrer un minimum de dignité. Mais... Pour que cette avancée, qui n'existe pour le moment que couchée sur du papier, devienne concrète et profite au plus grand nombre, il faudra nécessairement que le décret du 10 janvier 2019 soit publié au Bulletin officiel. Vivement la fête du Travail, donc.