La question de l’héritage de la femme revient en force sur le devant de la scène. Un groupe d’acteurs sociaux, dont des écrivains, des universitaires, artistes, militants associatifs et des droits de l’homme, ainsi que des théologiens, vient de lancer un appel pour l’abrogation d’une règle de l’héritage contenue dans la Moudawana. Il s’agit de la fameuse règle de Taâssib, précise le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans sa livraison du jeudi 22 mars.
Selon cette règle de plus en plus contestée, explique le journal, les héritières n'ayant pas de frère sont obligées de partager leurs biens avec les parents masculins du défunt, même éloignés (oncles, cousins…). Les auteurs de cet appel estiment que cette règle ne correspond plus au fonctionnement de la famille marocaine et au contexte social actuel. De même, elle précarise les femmes les plus pauvres et les rend encore plus vulnérables. Cette règle, fruit de l’Ijtihad des Oulémas n'obéissant néanmoins à aucune injonction religieuse, oblige, en outre, de nombreux parents à céder leurs biens, de leur vivant, à leurs filles, observe Al Ahdath Al Maghribia.
Cette règle est d’autant plus inégalitaire que, selon la Moudawana promulguée en 2004, un héritier unique mâle hérite de tous les biens de son défunt père alors que, lorsqu’il s’agit d’une femme, elle n’a droit qu’à une partie dite «faridha».
L’appel signé par une centaine d’intellectuels, acteurs associatifs et défenseurs des droits de l’Homme précise que le contexte dans lequel cette règle a été instaurée est dépassé. La famille actuelle se limite, dans l’écrasante majorité des cas, au père, à la mère et à leurs enfants. Le nombre des filles scolarisées est également en constante augmentation et la femme participe de plus en plus à la vie active et à l’économie nationale. Sans compter qu'un nombre important de ménages est pris en charge, financièrement, par la femme.
Bref, note le journal qui cite les auteurs de cet appel, le maintien de cette règle s’inscrit en faux avec les changements démographiques, économiques et sociaux qu’a connus le Maroc. Elle constitue une injustice envers les femmes et pourrait, dans bien des cas, déboucher sur des situations dramatiques. Les signataires de l’appel se demandent, par conséquent, s’il n’est pas dans la finalité de la religion d’épouser ces changements sociaux et de répondre aux exigences du contexte actuel en abrogeant cette règle.
Par ailleurs note le journal, le lancement de cet appel intervient deux jours après que la chercheuse en sciences islamiques, Asma Lamrabet, ait été la cible de sévères critiques et d'attaques virulentes, notamment de la part des salafistes, à cause justement de ses positions sur l’héritage de la femme.