Ce mouvement de grève, qui a paralysé les activités des différents tribunaux du Royaume, a eu un impact considérable sur les justiciables. Rien qu’à Casablanca, l’arrêt de travail observé par les avocats, à cause des nouvelles mesures fiscales introduites par le Projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2023, a entraîné la suspension de près de 100.000 dossiers, indique Me Lahcen Dadsi, avocat au Barreau de Casablanca.
«Ces affaires, dont le plus grand nombre est concentré au niveau de la Cour d’appel, sont réparties sur les trois pôles de tribunaux (pénal, social et civil, NDLR), de Casablanca, Mohammedia et Benslimane», explique-t-il, précisant qu'«un nombre non négligeable de dossiers n’ont pas été ouverts durant ces deux semaines de grève, rendant ainsi la situation plus critique».
Lire aussi : PLF 2023: les avocats au barreau de Casablanca ne décolèrent pas, la grève maintenue jusqu’à la fin de semaine
Les dossiers laissés en suspens seront automatiquement reportés, annonce Me Dadsi, qui ajoute que «rien que pour rattraper ce retard, il faudra compter entre 10 à 15 jours, après la levée de la grève».
Une nouvelle grève nationale, décrétéeMais la paralysie qui a actuellement cours risque vraisemblablement de perdurer. L’Association des barreaux du Maroc (ABAM) a en effet décidé, au cours d’une réunion tenue en urgence, le jeudi 10 novembre dernier à Rabat, de décréter un autre mouvement de grève dans l’ensemble des tribunaux du Royaume, à partir de ce lundi 14 novembre 2022, «jusqu’à nouvel avis», indique un communiqué de cette association professionnelle.
Une décision prise à la suite de l'examen de la situation professionnelle jugée «désastreuse» des avocats, qui sont la cibles, selon les termes du communiqué de l'ABAM, d’une «attaque sans précédent dans l’histoire de la profession».
Les représentants de l’ABAM appellent aussi le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, à dialoguer. Une réunion, qui était initialement prévue ce lundi, mais qui a été reportée à demain, mardi 15 novembre 2022, devrait se tenir entre les représentants de l’Exécutif et ceux des avocats, afin de tenter de désamorcer cette crise, dont les justiciables sont avant tout ceux qui en paient le dur prix.
Lire aussi : Fiscalité des avocats: le Parlement a tranché
A l'ordre du jour de cette réunion, une discussion sur l'ensemble des dossiers à propos desquels les deux parties ne sont pas alignées, dont la relation tendue qu'entretiennent les avocats avec le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi.
L'avance sur impôts, comme un p'tit hicRetour sur les faits à l'origine de tous ces remous. Le bras de fer entre le gouvernement et les avocats a débuté par l'introduction d'une nouvelle mesure fiscale, introduite par le PLF 2023, qui prévoyait l’imposition des avocats, ou la société civile professionnelle d’avocats, parv le versement d'une avance sur l’impôt sur le revenu (IR) pour chaque dossier déposé auprès des différentes juridictions, et qui a été retirée du PLF 2023.
A l’issue d’une réunion entre le ministre délégué auprès de la ministre de l’Economie et des Finances, chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, et le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, d’une part, et les membres de l’ABAM, de l’autre, le jeudi 3 novembre dernier, une décision a été prise: supprimer cette mesure, et adopter une nouvelle disposition qui donne droit aux avocats de choisir l’une des deux formules.
En premier lieu, il s'agira de payer un montant global d’impôt, fixé à 300 dirhams sur chaque affaire présentée de manière définitive auprès du Tribunal de première instance, des Cours d’appel et de cassation, après le prononcé final du jugement non susceptible de recours. Un second choix consiste, quant à lui, en une déclaration semestrielle de l’ensemble des affaires qui seront imposées du même montant susmentionné.
Lire aussi : PLF 2023: le gouvernement trouve un terrain d’entente avec les avocats sur la question des avances au titre de l'IR
D’autres mesures, qui sont aussi en faveur des avocats, ont par ailleurs été intégrées au PLF 2023 en tant qu’amendements. Il s’agit de l’exonération de tout impôt des affaires soumises en vertu de l’article 148 du Code de la procédure civile. Aussi, les affaires dites de proximité, les litiges au travail, ainsi que les accidents liés au travail seront exemptés d’impôts, jusqu’à l’exécution du jugement.
Dans la même lignée, il a été décidé d’exonérer de tout impôt les avocats nouvellement inscrits au barreau, pendant les trois premières années de leur exercice professionnel. Les avocats récemment identifiés auprès de l’administration fiscale bénéficieront également d’une exonération, jusqu'à fin décembre 2022.
Ces nouvelles mesures avaient fait l’objet de discussion à l’ABAM avant d’être déclinées par les représentants des avocats.