La sculpture-fontaine située sur la place du 16 novembre à Casablanca fait peau neuve. Cette œuvre d’art, appelée Source de vie et réalisée en 1982 par l’artiste-sculpteur Abdelhaq Sijelmassi a été restaurée en 2021, en pleine pandémie du Covid-19.
Mais ce n’est qu’il y a quelques jours, à peine, que des photos annonçant cette rénovation ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. Ils étaient nombreux sur cette agora virtuelle à saluer cette action qui vient à la rescousse de cette œuvre longtemps délaissée, voire même maltraitée.
«A un moment donné, plusieurs sans domicile fixes passaient la nuit sous le moteur d’eau conçu pour alimenter la fontaine. Sans oublier que rares sont ceux qui connaissent le nom de cette œuvre et encore moins celui de l’artiste qui l’a réalisée», déclare un céramiste-sculpteur qui a pendant longtemps travaillé aux côtés de Abdelhaq Sijelmassi.
Moussa Zakani, c’est de lui dont il s’agit, considère que cette sculpture a été dénaturée. «Restaurer cette sculpture, c’est bien. Mais ils auraient dû le faire à l’identique. Ils ont enlevé le bassin, ils ont enlevé la mosaïque qu’il y avait au départ, ils ont changé la couleur…», énumère-t-il. Et cerise sur le gâteau, selon notre interlocuteur, tout le monde l'appelle «Reya» (poumon, en français) sans doute à cause de sa couleur qui rappelle celle de cet organe vital du corps humain.
Abderrahim Kassou, l’architecte-consultant dans le projet de réaménagement de l’ensemble de l’avenue Prince Moulay Abdellah, y compris la fontaine -devenue fontaine sèche- sur la place du 16 novembre, affirme pour Le360 qu’en concertation et avec accord de Abdelhaq Sijelmassi, des modifications ont été apportées sur toute la structure. «Il faut savoir que la place du 16 novembre a été agrandie. Donc forcément, on devait remettre la sculpture au centre par rapport à la nouvelle dimension de la place. Le muret n’existe plus, nous avons intégré une petite pente inclinée, le socle a été refait et étant donné que nous n'avons pas trouvé le même type de mosaïque pour remplacer les carreaux qui s’étaient érodés avec le temps, nous avons dû recourir à une autre mosaïque», a-t-il précisé.
Le changement de la couleur, à laquelle les usagers de l’avenue du Prince Moulay Abdellah s’étaient justement habitués, était-ce aussi une contrainte technique rencontrée lors de la restauration? «Ce rose, utilisé à l’époque, n’existe plus aujourd’hui dans la céramique qui est sur le marché, donc il fallait trouver un autre rose et celui-là s’en rapproche le plus», ajoute l’architecte.
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Ces changements ne posent aucun problème à Abdelhaq Sijelmassi. Son fils Mohamed le confirme. «Déjà à l’époque, la couleur qui a été choisie à la base, c’était du rouge bordeaux, mais il y avait une rupture de stock de la céramique de cette couleur au moment de la réalisation de l’œuvre», rappelle-t-il.
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Agé de 80 ans aujourd’hui, Abdelhaq Sijelmassi vit dans sa maison à Plage David, entre Bouznika et Rabat, et travaille toujours sur des commandes pour des particuliers (sculptures, mobilier, bijoux…) «Il travaille tous les matériaux. C’est un vrai artiste technicien qui, en plus, possède un discours sur son travail, c’est un vrai philosophe. J’ai beaucoup appris à ces côtés», témoigne Moussa Zakani.
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La sculpture Source de vie a donc eu droit à une nouvelle vie, après avoir été rafraîchie en 2014 lorsque les mécanismes de la fontaine avaient été réparés. Aujourd’hui, c’est une fontaine sèche, rareté de l’eau oblige, mais elle n’est toujours pas épargnée par des comportements inciviques comme a pu le constater Le360.