Louisa Vesterager Jespersen, une étudiante danoise de 24 ans, et son amie Maren Ueland, une Norvégienne de 28 ans, ont été tuées dans la nuit du 16 au 17 décembre dans le sud du Maroc, où elles étaient en vacances. Leurs corps ont été découverts sur un site isolé du Haut Atlas, dans un secteur prisé des amateurs de randonnée voulant faire l'ascension du plus haut sommet d'Afrique du Nord, le Mont Toubkal (4.167 m).
"Les deux victimes ont été poignardées, égorgées puis décapitées", a révélé Abdelhak Khiam, directeur du Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ) lors d'un entretien lundi avec l'AFP dans ses bureaux à Salé, près de Rabat. Les quatre principaux auteurs présumés de cet acte qualifié de "terroriste" par Rabat ont été interpellés entre lundi et jeudi derniers à Marrakech (centre), la capitale touristique du royaume.
Quatorze autres personnes ont également été appréhendées pour leurs liens présumés avec les suspects directs, a poursuivi le patron de cette unité chargée de la lutte antiterroriste et de la grande criminalité.
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La "cellule" démantelée comprenait 18 membres dont "trois ayant des antécédents judiciaires dans des affaires liées au terrorisme". A sa tête un certain Abdessamad Ejjoud, 25 ans, marchand ambulant considéré comme "l'émir du groupe", souligne Khiam. "Il a déjà purgé une peine car il voulait rejoindre les foyers de tension en 2014", précise-t-il en faisant référence aux zones, un temps, contrôlés par l'EI en Irak et en Syrie.
Bien qu'ayant bénéficié "d'une réduction de peine", Abdessamad Ejjoud est "resté fidèle à ses idées extrémistes", déclare le patron du BCIJ. Il a "constitué une sorte de cellule qui discutait de de mener des actions terroristes à l'intérieur du royaume", poursuit-il. C'est lui que l'on voit parler dans une vidéo tournée une semaine avant le meurtre, dans laquelle les quatre suspects directs prêtent allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l'EI, avec en arrière-plan un drapeau de cette organisation, confectionné à la main.
Mais "les membres de cette cellule n'ont eu aucun contact avec les structures de Daech (acronyme arabe de l'EI), que ce soit en Syrie, en Irak ou en Libye, malgré la vidéo d'allégeance" au chef du groupe ultra-radical, explique le patron du BCIJ. "Nous avons affaire à une idéologie véhiculée par les organisations terroristes. Les moyens technologiques aident à diffuser cette idéologie et n'importe qui sous l'influence de cette idéologie peut passer à l'acte", dit-il.
Vivant dans la précarité dans la région de Marrakech et issus de milieux modestes, les quatre suspects directs du meurtre avaient adopté "ce crédo jihadiste", selon Khiam.
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Abdessamad Ejjoud était marchand ambulant, Abderrahim Khayali, 33 ans, travaillait comme plombier, Younes Ouaziyad, 27 ans, comme menuisier et Rachid Afatti, 33 ans, était lui aussi marchand ambulant. Ces deux derniers étaient présents aux côtés du chef du groupe lors du double meurtre, selon les enquêteurs. Cependant, note le chef de l'antiterrosrime, les auteurs présumés "n'avaient pas préparé leur action (...)."
"Ils s'étaient mis d'accord sous l'influence de leur émir pour mener une action terroriste à l'intérieur du royaume visant soit les services de sécurité soit des touristes étrangers", confie Khiam. "Ils sont partis dans la région d'Imlil parce qu'elle est fréquentée par des étrangers".
Deux jours après leur arrivée, ils ont vu les deux touristes installées dans une zone isolée et "se sont mis d'accord pour passer à l'acte", poursuit Khiam.
Depuis l'attentat à la bombe qui avait fait 17 morts dans un café-restaurant de Jamaâ El Fna, à Marrakech le 28 avril 2011, le Maroc avait été épargné par les attaques jihadistes. Selon Khiam, "185 cellules ont été démantelées" depuis 2012 et (...) l'Etat marocain a entrepris une série de mesures pour amender" les personnes arrêtées.
"Les origines de cet extrémisme doivent être combattues, à savoir la précarité, l'analphabétisme et l'ignorance", plaide le patron du BCIJ.