54.000 pages, 85 tomes: le dossier judiciaire sur la disparition de 43 étudiants, qui avait suscité le colère de tout le pays sur les carences ou les complicités policières avec les gangs, a été publié par les autorités mexicaines dans une démarche inédite.
L'imposant dossier, qui met à mal certaines versions jusque-là officielles des événements, a été publié dimanche sur le site internet du bureau de la procureure générale mexicaine Arely Gomez, "dans le but de garantir du mieux possible le droit citoyen à l'information".
Le récit d'un des tueurs présumés des 43 étudiants révèle notamment qu'au moins neuf d'entre eux ont été tués ailleurs que sur la colline où leurs corps carbonisés ont été retrouvés, contrairement aux affirmations de certains magistrats enquêteurs.
Les élèves-enseignants de l'école d'Ayotzinapa avaient disparu dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014 alors qu'ils se rendaient à Iguala (sud) pour s'emparer d'autobus et collecter de l'argent avant une manifestation dans la capitale. Depuis, les familles cherchent toujours à savoir ce qu'il est advenu de leurs enfants.
La tragédie a suscité une émotion qui a largement dépassé les frontières du Mexique et porté un coup sévère à la crédibilité du président Enrique Peña Nieto.
Le dossier judiciaire a été rendu public à la demande insistante d'un journaliste indépendant qui dû faire jouer une loi sur la transparence pour obtenir gain de cause. Plusieurs noms et certains documents de ce rapport d'enquête ont été masqués, ainsi que certaines photos, a constaté l'AFP à la lecture de plusieurs centaines de pages que les journalistes avaient récemment été autorisés à consulter.
Les autorités mexicaines avaient conclu l'an dernier que la police de la ville d'Iguala avait attaqué les étudiants après le détournement des autobus. Les policiers les auraient ensuite livrés au gang des Guerreros Unidos qui les aurait confondus avec un cartel rival et les aurait tués avant de tous les incinérer dans une décharge. Mais les parents des étudiants disparus ont toujours contesté cette version et plusieurs organisation de défense des Droits de l'Homme ont reproché à l'ancien procureur général d'avoir bâclé l'enquête.
Le mois dernier, la Commission inter-américaine des Droits de l'homme, composée d'experts indépendants, avait estimé qu'aucune preuve ne montrait que les étudiants avaient été incinérés. Ils avaient demandé l'exploration de nouvelles pistes, dont celle d'un détournement par inadvertance d'un bus contenant de l'héroïne par les étudiants.
Les documents qui viennent d'être publiés contiennent le témoignage de Marco Antonio Rios Berber, qui a avoué être membre du cartel des Guerreros Unidos. Selon lui, treize étudiants ont été emmenés sur une colline, dans les environs d'Iguala, où au moins neuf d'entre eux ont été tués par balles.
Fin septembre, plusieurs milliers de personnes ont défilé à Mexico aux côtés des parents des 43 étudiants disparus pour marquer le premier anniversaire de la tragédie. "Ils les ont emmenés vivants, nous les voulons vivants!", ont crié les participants à cette "marche de l'indignation", partie des abords de la résidence présidentielle, dans le centre historique de Mexico
Le président a ordonné la création d'une unité spéciale chargée d'enquêter sur les nombreuses disparitions dans le pays, plus de 20.000 selon les chiffres officiels. Mais les parents, qui ont remis une liste de huit exigences, ont exprimé leur déception et se sont engagés à continuer à mettre la pression sur le gouvernement.
Les familles demandent notamment aux autorités judiciaires qu'une unité spéciale uniquement dédiée au cas des 43 étudiants soit constituée et placée sous supervision internationale