Pédophile espagnol gracié : Ça ne fait que commencer!

Le360

Le ressortissant espagnol qui a bénéficié de la grâce royale a été transféré ce jeudi dans son pays. Tous les scénarios sont possibles. Cette affaire continue à susciter de vives réactions.

Le 01/08/2013 à 18h03, mis à jour le 02/08/2013 à 17h09

Le ressortissant espagnol gracié a été transféré jeudi dans son pays, a déclaré le ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi. "L’idée de voir ce criminel placé derrière les barreaux en Espagne est envisageable comme il peut jouir de sa totale liberté après la grâce royale tout en restant sous le contrôle judiciaire de son pays", ont indiqué des sources gouvernementales interrogées par Le360. Une source proche du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) a affirmé, sans fournir de commentaire, que" le roi a usé de son droit de grâce. Le bénéficiaire a été gracié, plus de charge ne pèse contre lui". 

Le transfert du ressortissant espagnol a été rendu possible après que le roi Juan Carlos avait sollicité une grâce du roi Mohammed VI, dans le cadre d’une demande collective qui a profité à une quarantaine de ressortissants espagnols détenus au Maroc. Selon le politologue Mohamed Zine Eddine, il s'agit "d'une demande de chef d'Etat à chef d'Etat". Et d'ajouter, au sujet de la procédure de grâce, que "c'est le ministère de la Justice qui définit les critères du choix des détenus qui peuvent bénéficier de la grâce".

Gracié et après ?

"Bien que gracié au Maroc, il ne faut pas oublier que ce prévenu risque fortement d’être poursuivi judiciairement dans son pays et pourquoi ne pas purger le reste de sa peine dans son pays", a déclaré le politologue Mohamed Bekkouri à Le360. "Outre la grâce, il existe une convention judiciaire maroco-espagnole qui prévoit le transfert de détenus pour qu’ils purgent le reste de leur peine dans leur pays", a expliqué cet avocat du barreau de Rabat.

Quant au droit de grâce, c’est une mesure que la "loi attribue" au souverain et dont il est le seul à pouvoir utiliser le pouvoir discrétionnaire", ont affirmé plusieurs ONG et hommes de loi interrogés jeudi par Le360. "C’est un droit accordé au roi par la loi. Il est le seul à user de ce pouvoir discrétionnaire pour en faire profiter qui il veut", a souligné la présidente de l’Association "Touche pas à mon enfant", Najat Anwar. Un avis partagé par Abdellatif Hatimi, ancien batonnier et président de l’Association marocaine pour l’indépendance de la Justice. "C’est un pouvoir discrétionnaire qui relève du droit régalien. Tous les chefs d’Etat ont le droit d’accorder la grâce, sans discussion, dans le monde. C’est un droit indiscutable, un dernier recours qui intervient dans ce cas d’un roi à un autre roi", a souligné Hatimi.

Au ministère de la Justice, on confirme cette explication en ajoutant que, dans ce cas de figure, la procédure de grâce a été enclenchée suite à "une demande d’un Etat voisin qui a fait prévaloir en premier lieu sa magistrature suprême". "La liste des personnes candidates à la grâce est délivrée par l’Etat demandeur, via un canal officiel proprement lié à l’administration requérante", a souligné une source au sein de ce ministère sous couvert de l’anonymat.

L’AMDH, connue pour ses positions très critiques à l’égard des pouvoirs publics, n’a pas laissé passé l’occasion de critiquer la libération de l’Espagnol. "Nous allons continuer à lutter contre les cas de pédophilie. L’atrocité des faits commis par l’Espagnol avait fait l’objet d’une série de campagnes de défense, notamment auprès des victimes". "L’association a considéré la condamnation à trente ans de prison de cet Espagnol comme étant une condamnation exemplaire", précise l'Association "Touche pas à mon enfant" dans son communiqué. Reconnaissant que les faits reprochés à ce ressortissant espagnol sont graves, des ONG et associations relèvent que la grâce, dans ce cas, émane d’une demande "politique". De plus, soulignent-elles, il existe notamment entre le Maroc et l’Espagne un cadre juridique qui encadre la grâce au profit de détenus condamnés pour différents crimes.

Par Mohamed Chakir Alaoui
Le 01/08/2013 à 18h03, mis à jour le 02/08/2013 à 17h09