Pour une meilleure exploration des voies du divin dans le Coran: la traduction-exégèse éclairée du professeur Abdelhak Azzouzi

Les professeurs Abderrahman Tenkoul et Mohammed Farissi.

TribuneC’est une traduction-exégèse qui allie précision linguistique, profondeur spirituelle et exigence intellectuelle. Abdelhak Azzouzi refuse les simplifications littéralistes pour restituer toute la richesse du message coranique. Chaque sourate est replacée dans son contexte, explorée et interprétée à la lumière des savoirs anciens et contemporains. L’œuvre ouvre un espace de compréhension équilibré entre foi et raison. Une tribune de Abderrahman Tenkoul et Mohammed Farissi.

Le 24/10/2025 à 20h28

À une époque où l’humanité erre, perdue et égarée sous l’emprise de tropismes trompeurs, parce qu’en mal d’ancrages spirituels fiables, le professeur Abdelhak Azzouzi vient de publier aux éditions Al-Bouraq (octobre 2025) une traduction fort soignée et un commentaire corollaire du Coran en langue française, composé de trois volumes de 3.200 pages.

L’entreprise est certes titanesque, mais n’était-elle pas éminemment souhaitable? L’absence d’un travail exhaustif et crédible sur le texte sacré, revisitant profondément aussi bien sa traduction que son exégèse, est maintes fois soulignée dans les milieux académiques et scientifiques francophones. Absence qui a laissé la voie ouverte à toutes sortes de théologiens auto-proclamés, dans un contexte où monde islamique et monde occidental ont besoin de se rapprocher, notamment grâce à une bonne connaissance des textes fondateurs ainsi qu’à un dialogue lucide et dépassionné sur les messages authentiques des Livres révélés.

La traduction et exégèse du Coran par Pr. Abdelhak Azzouzi.

Dr Abdelhak Azzouzi peut se prévaloir de l’autorité ainsi que de l’opportunité d’une telle tâche salutaire. Universitaire marocain de premier ordre, dont la culture est au confluent des traditions savantes orientales et occidentales, il s’est voué corps et âme à cet ouvrage, fruit de plus de dix années de labeur incessant, de relectures exigeantes, de réécritures minutieuses et d’affinements dignes de la majesté du texte sacré.

Outre l’imposante épaisseur de l’œuvre, celle-ci puise sa vraie valeur aussi bien que sa plus-value dans l’originalité de l’approche, la perspicacité de l’analyse et l’élégance du verbe. Ne cédant point à la facilité des traductions corsetées dans leur réductrice littéralité, réfractaire aux commentaires par trop convenus ou conventionnels, le professeur Azzouzi privilégie une lecture à la fois pédagogique et anagogique qui n’altère point la grâce première et foncière du texte arabe, mais y adhère avec un subtil sens de la nuance, tout en s’attachant à ne pas se mettre hors de portée de l’intelligence et de la sensibilité contemporaines.

Ayant eu la fortune et le privilège d’être formé dans différentes sphères universitaires de renom, tant au Maroc qu’en France, cet éminent chercheur n’a pas peine à glaner ses outils heuristiques et herméneutiques dans un riche réservoir de savoirs: sciences islamiques, linguistique, rhétorique, histoire, mais aussi sociologie, philosophie et sciences naturelles. Cette impressionnante palette transdisciplinaire le dote d’un atout d’une valeur inestimable: être en mesure de sonder et d’appréhender les multiples strates du Coran, spirituelles, scientifiques, éthiques ou existentielles soient-elles.

Son travail doit sa facture distinguée et distinctive à une méthodologie ne lésinant pas sur la rigueur tout en restant attentive et sensible à la nuance. Chaque sourate est située, explorée et explicitée dans son contexte global, en tenant compte de ses intentions principales, avant d’être déclinée en unités thématiques cohérentes. La traduction n’est pas compartimentée selon des versets traités chacun isolément, mais s’opère plutôt par réseaux de signification en vue de favoriser une appréhension plus pertinente en prenant en charge le maillage structurant les idées et la dynamique narrative intrinsèque au texte sacré.

Pour ce qui est du commentaire, il se recommande par la solide assise de ses sources, tant anciennes que contemporaines, dont l’authenticité et la fiabilité font l’unanimité dans le patrimoine exégétique musulman. Mettant à profit l’étendue de ses compétences, gage évident et probant de l’éminente qualité de cet ouvrage, l’auteur passe au peigne fin tout ce qui trait à la grammaire arabe (i’râb), aux fleurs de la rhétorique et aux subtilités sémantiques qui servent de matériaux et de joyaux à la singulière magnificence coranique.

Il n’omet pas, à juste titre d’ailleurs, de convoquer en renfort les apports des sciences modernes – physique, biologie, médecine – pour mettre en exergue les divers signes de Dieu dans l’univers, soulignant ainsi le trait d’union, marquant le rapport consubstantiel, entre la Révélation et la Création.

Il y a lieu de signaler que deux versions de l’œuvre sont disponibles: l’une s’apparentant à la lecture de Warsh, la seconde procédant de celle de Hafs, et chacune répartie en trois tomes distincts. Ce double choix est fort judicieux puisqu’il répond à un souci de conformité à la pluralité des traditions de récitation, et à inscrire cette entreprise dans la portée universelle censée être la sienne.

Par ailleurs, dans un monde où foisonnent les interprétations approximatives, tissant des complicités tendancieuses avec des récits apocryphes, tantôt dues à l’ignorance tantôt motivées par des enjeux idéologiques, cette œuvre a vocation à se faire un repère cardinal, une voie vers la compréhension en résonance avec une voix en faveur de la paix, un outil de méditation réfléchie pour les croyants comme pour les chercheurs en quête de vérité, musulmans ou non.

Par son bien-dire châtié, la clarté de son propos, la justesse de son regard et l’universalité de son approche, le travail du traducteur-exégète constitue une invitation à redécouvrir le Coran comme livre de guidance par excellence, un inépuisable gisement de sapience, de même qu’un archétype de beauté et de clairvoyance.

En somme, loin d’être un simple produit ou projet éditorial qui passerait comme un météore, cette traduction-exégèse incarne un acte de foi, imprime l’essence d’une transmission, donne corps à une œuvre à la charnière du cœur et de l’esprit, ce qui lui vaudra certainement une remarquable longévité. Elle nous rappelle que le Coran, dans l’incommensurabilité de sa dimension transhistorique, ne cesse de constituer une lanterne pour les consciences, d’apporter la paix nécessaire aux âmes tourmentées ou sujettes, faute de foi, à un insoutenable calvaire et, enfin, d’être la vraie source d’inspiration pour une humanité hagarde et recherchant, dans sa labyrinthique perplexité, le sens qui fonde à la fois sa naissance et sa présence au monde.

Par Abderrahman Tenkoul et Mohammed Farissi
Le 24/10/2025 à 20h28