Quelles sont les météorites du Maroc, où se trouvent-elles? Les explications d'une spécialiste

Tarda est une météorite qui a été découverte dans la région d'Errachidia, en août 2020. 

Tarda est une météorite qui a été découverte dans la région d'Errachidia, en août 2020.  . DR

«Tarda» est le nom de la dernière météorite observée et collectée au Maroc. Elle pèse 4 kg et porte le nom du village où elle a atterri près d'Errachidia, au sud du pays. En tout, le Maroc compte jusqu'à présent 21 chutes de météorites, qui portent toutes des noms marocains. En voici certaines.

Le 31/10/2020 à 19h37

Les météorites marocaines, ça existe bel et bien. Et même par milliers. Plus de 13.000 météorites ont été ramassées au Maroc et dans les pays avoisinants, et 21 chutes ont été observées sur le territoire marocain. La dernière en date est «Tarda», entrée dans l'atmosphère le 25 août 2020, et qui porte le nom du village où elle a atterri, tout près d’Errachidia, au sud du Maroc.

Hasnaa Chennaoui Aoudjehane, géchimiste, planétologue et professeur à la faculté des Sciences de l'université Hassan II de Casablanca, est membre de la Meteoritical Society, une société savante internationale à but non lucratif fondée en 1933 pour la promotion de l'étude des matériaux extraterrestres, ce qui inclut les météorites et les échantillons ramenés par les missions spatiales. Interrogée par Le360, cette scientifique affirme d'emblée qu’il est très important de doter ces météorites de noms marocains, et de les faire reconnaître sur un plan international.

«Notre objectif premier est de donner une reconnaissance aux météorites marocaines et la place qu’elles méritent sur le plan international, aussi bien au niveau scientifique qu’au niveau du prestige du patrimoine géologique marocain», souligne cette spécialiste des météorites, qui ajoute: «lorsqu’une météorite est collectée ou lorsqu’elle tombe, pour qu’elle soit officielle, il y a un processus de déclaration auprès des instances internationales. C’est le comité de nomenclature de la Meteoritical Society, constitué de douze experts internationaux, et dont j’ai le privilège de faire partie, qui reçoit les déclarations des météorites du monde entier. Il les étudie et les valide par un vote».

Tarda, une météorite du type chondrite carbonée, a été reconnue officiellement le 14 août 2020, et ses données publiées sur le site de la société internationale des météorites et de la planétologie. «Le nom de lieu et l’officialisation sont deux choses très importantes à nos yeux», ajoute la géologue.

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Les premières météorites ramassées au Maroc, sans aucune coordonnée géographique du point de leur chute sur terre, ont été classifiées selon un nom générique et l’acronyme NWA, pour Nord West Africa (Afrique du Nord), suivi d’un nombre.

Pour plus de détails, voici l'interview de Hasnaa Chennaoui Aoudjehane, fondatrice, voici un an et demi, de la fondation Attarik pour la promotion des météorites du Maroc.

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Que signifie exactement la reconnaissance internationale des météorites marocaines?Notre objectif premier est de garantir une reconnaissance aux météorites marocaines et de leur donner la place qu’elles méritent sur le plan international, aussi bien au niveau scientifique qu’au niveau de la valeur du patrimoine géologique marocain. Lorsqu'une météorite est collectée, ou lorsqu’elle tombe, pour qu’elle soit officielle, il y a un processus de déclaration auprès des instances internationales. C’est le comité de nomenclature de la Meteoritical Society, constitué de douze experts internationaux, dont j’ai le privilège de faire partie, qui reçoit les déclarations des météorites du monde entier. Il les étudie et les valide par un vote.

Lorsque la météorite est validée, elle est publiée dans un bulletin international et ce n’est qu’à partir de ce moment-là qu'elle devient officielle. Ce processus est fondamental pour nous, car c’est l’unique processus qui permet de reconnaître les roches et notre but est de donner des noms marocains et non pas de se contenter des NWA, qui est une nomenclature que nous n’apprécions pas, car elle ne donne pas la valeur qu’il faut à ces météorites. Nous œuvrons pour que ces météorites aient des noms marocains. Le nom du lieu et l’officialisation sont deux choses très importantes à nos yeux.

Combien de météorites ont été répertoriées au Maroc et à partir de quelle année?Les météorites qui viennent du Maroc se comptent par milliers et leur collecte systématique a commencé à partir de 1999. On ne connaissait pas l’origine exacte de ces météorites, car il n'y avait aucune coordonnée géographique. Le comité scientifique de la Meteoritical Society, au lieu d’attribuer des noms de lieux à ces météorites, a commencé à utiliser un nom générique avec un acronyme NWA (North West Africa) suivi d'un nombre. A côté de ces trouvailles, nous avons les chutes observées et jusqu’à nos jours, nous avons répertorié 21 chutes.

Pouvez-vous nous énumérer ces météorites marocaines. Leurs noms et la spécificité de chacune?Nous sommes à plus de 13.000 météorites ramassées au Maroc et dans les pays avoisinants. C’est très difficile de les énumérer. Il y a toutes les catégories de météorites récoltées dans le sud marocain, des plus rares, aux plus communes. Mais le plus important, c’est que nous avons la plus grande quantité de météorites rares: des martiennes, des angrites et des lunaires.

En ce qui concerne les 21 chutes observées, la première s’appelle Douar Mghilla, en 1932, c’est une chondrite ordinaire de type LL6 ensuite Oued El Hdjar, en 1986, Itqyi en 1990, une chondrite à enstatite, Zag en 1998, Ben sour en 2002 et Oum Dreyiga en 2003.

En 2004, il y a eu la chute de Benguerir, 25 kg de météorites ont été ramassés. En décembre 2008, il y a eu la chute de Tamadakht au nord de Ouarzazate à côté de la Kasbah d'Aït Benhaddou. C’était en pleine nuit. C’est une chute très importante, car elle a été observée par plusieurs personnes depuis Ouarzazate, Marrakech, Agadir. Des échantillons ont été collectés sur une distance d’environ 50 km. La masse totale était estimée à environ 100 kg.

Après Tamadakht, il y a eu Tissint, en juillet 2011, et c’est aussi exceptionnel, car elle est d’origine martienne. Ensuite, il y a eu la chute de Izarzar en 2012, puis Mahbass Aaraid en 2013, Tirhert en juillet 2014, c’est une eucrite, elle vient de l’astéroïde Vesta. La même année, nous avons eu la chute de Tinajdad, qui est tombée durant le congrès annuel de la Meteoritical Society que j’ai eu le plaisir d’organiser à Casablanca. Une seule météorite est tombée: elle pesait 2 kg.

En 2015, il y a eu une chute de chondrite ordinaire, que nous avons appelé Sidi Ali Ou Azza, du nom de l’endroit où elle est tombée.

Ensuite, il y a eu les chutes de Ouadyat Sabaa en 2016, qui est une chondrite à enstatite, Kheneg Ljouâd en 2017, Gueltat Zemmour, Ksar Al Goraane et Maatarka en 2018, Wad Lhteyba et Al Farciya en 2019, toutes des chondrites ordinaires.

La dernière météorite, c’est Tarda, observée le 25 août 2020. C’est une chondrite carbonée, une C2 non groupée.Toutes les chutes sont magnifiques, mais les plus exceptionnelles sont de Tissint, des météorites martiennes, à Tirhert, c'était une Eucrite: une météorite venant de Vesta, et quant à Tarda qui vient de chuter, elle est spéciale, car c’est une chondrite carbonée.

Comment ces météorites ont-elles été découvertes au Maroc et par qui?Les météorites du Maroc sont collectées dans le Sahara marocain. Au début, c’étaient les nomades qui les trouvaient. Ce sont d’excellents observateurs, ils connaissent bien leur milieu de vie, ils connaissent les roches et lorsqu’ils trouvent ce genre de roches ça les intéresse, car elles ont une valeur pécuniaire. Après les nomades, il y a les chasseurs de météorites. Depuis 1999, une communauté de chasseurs de météorites s’est constituée, et elle est maintenant assez importante avec plusieurs milliers de personnes. Ils passent beaucoup de temps dans le sud du Maroc pour chercher des météorites, là où c’est facile de les identifier.

Que nous apprennent ces météorites?Les météorites sont une source exceptionnelle de savoir en ce qui concerne l’histoire et l’origine du système solaire, mais également l’origine de l’eau sur Terre et l’origine de la vie sur Terre. Elles donnent aussi des explications sur les extinctions massives d’espèces que la terre a connues, dont celle des dinosaures, il y a 65 millions d’années. Les météorites proviennent soit d’astéroïdes qui sont situés entre la planète Mars et Jupiter, soit de la Lune, soit de la planète Mars. Les météorites de type chondrites proviennent d’astéroïdes.

Quel est le taux de déperdition des météorites et quelles sont les raisons à l'origine de cette déperdition?Au Maroc, malheureusement, nous n’avons pas réellement de grandes structures, d'institutions muséales ou d'espaces de conservation du patrimoine géologique. Nous n’avons pas non plus des collectionneurs qui s’intéressent à ces objets, donc la majorité des météorites marocaines sont exportées et ils en restent très peu dans notre pays.

Nous essayons depuis une vingtaine d’années d’avoir une collection particulière à l’université Hassan II de Casablanca pour au moins garder des morceaux des chutes observées. Nous pouvons faire face à cette déperdition en mettant en place des musées régionaux et un musée national, qui serait à même d’acheter ces météorites et les garder au Maroc pour qu’elles puissent être montrées aux étudiants et au grand public.

Nous allons ainsi servir à la fois le tourisme national et international et servir également la recherche scientifique en permettant des analyses poussées dans notre pays sur des objets collectés chez nous. Il faut nécessairement développer deux axes qui vont de pair: l’axe scientifique et l’axe de conservation.

A la fondation Attarik, créée il y a un an et demi, nous œuvrons pour la promotion de la recherche scientifique autour des météorites et de la planétologie de façon générale et aussi pour la promotion de la diffusion des sciences auprès des Marocains, jeunes et moins jeunes. C’est important si nous voulons développer l’esprit critique et développer les sciences de manière générale au Maroc.

Par Qods Chabaa
Le 31/10/2020 à 19h37