Une situation certes inédite pour près de 1,8 milliard de musulmans, mais dictée par le prolongement de l’état d’urgence sanitaire et du confinement aussi bien au Maroc que dans la quasi-totalité des pays touchés par le Covid-19. Plus encore, il s’agit là d’une véritable perte de repères pour des millions de fidèles, qui avancent en terra incognita.
Pas de rassemblements pour les grands repas d’Iftar, pas de Tarawih à la mosquée, pas de Omra, ni même de rencontres entre amis ou avec la famille… En ce mois sacré, où la pratique religieuse est intimement liée au quotidien, c’est tout un pan de traditions et de rituels qui se trouve amputé.
Si le Conseil supérieur des Oulémas a tranché la semaine dernière, affirmant que "la préservation de la vie contre tous les périls prime, du point de vue de la Charia, sur tout autre acte, y compris la réunion pour les prières surérogatoires et les Sunnas d'adoration", il n’en demeure pas moins que le confinement est un nouveau vécu pour les fidèles marocains, appelés à prier chez eux, individuellement ou collectivement, avec les membres de la famille, sans prise de risque.
Loin d'être pessimistes, beaucoup de Marocains acceptent de bon gré cette réalité, estimant que la conjoncture actuelle permettra de "réduire le mois sacré à son essence" et de dompter certaines pratiques nuisibles qui se sont installées au fil du temps.
C’est le cas de Rachid, épicier, qui croit dur comme fer que l’état de confinement généralisé permettra d’en finir avec les pratiques de surconsommation et de superficialité, étrangères aux valeurs aussi bien spirituelles qu'universelles.
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"Vivre le ramadan en confinement est une occasion de se départir des choses matérielles, de s’en remettre à Allah et de classer ses priorités", confie-t-il à la MAP, résigné à passer le mois sacré loin des siens.
A défaut de pouvoir se ravitailler en mets qui accompagnent généralement ce mois béni, nombreuses sont les Marocaines, débutantes et expérimentées, qui ont décidé de s’essayer au fait maison.
C’est le cas de Saida, employée d’une entreprise à l’arrêt, reconvertie en fée du logis. "D'habitude, le mois sacré rime avec visites familiales, préparatifs festifs et pratique religieuse. Cette année, c’est une toute nouvelle expérience qui s’annonce", affirme-t-elle, un sac de provisions à la main.
Ne pouvant plus commander le sellou ou la chebakia comme elle avait l’habitude de faire, c’est chez elle que Saida va en confectionner avec l’aide des fameuses pages de pâtisserie et cuisine sur le net.
Chebakia sans pliage, gâteaux d'enveloppe, briouates sucrées ou salées, les idées ne manquent pas sur la toile et les réseaux sociaux. Un seul clic suffit… "Il faut juste être bien motivé et pouvoir se procurer les ingrédients nécessaires", assure-t-elle, triste de ne pas pouvoir vivre le mois sacré en compagnie de toute sa famille.
Pour Iliyassou, un Ghanéen vivant au Maroc depuis plusieurs années, c'est son troisième ramadan dans le Royaume, mais le premier en solitaire. Habitué à rompre le jeûne avec ses amis au café, à échanger les visites et à aller à la mosquée, Iliyassou doit faire contre mauvaise fortune bon cœur et se contenter des contacts virtuels cette année.
"A défaut de pouvoir être auprès de ma famille, j’essaierai de passer plus de temps avec eux sur les réseaux sociaux", affirme le jeune homme, se disant nostalgique des veillées religieuses et des plats à base de fonio (petits grains de farine de manioc) qu’il avait pour habitude de partager avec les siens à l'occasion du mois béni.
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Nawal, pharmacienne, estime, elle, que l’on ne doit pas perdre de vue son état de santé pendant le mois de ramadan, en adoptant un régime alimentaire sain et en respectant les gestes de prévention du Covid-19 aussi bien à la maison qu’à l’extérieur.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs publié une série de recommandations pour le mois sacré, appelant en l'occurrence au respect des mesures de distanciation physique, y voyant l’un "des mécanismes essentiels" pour maîtriser la propagation de maladies infectieuses.
Aussi, l’OMS a estimé que si les personnes en bonne santé devraient pouvoir jeûner pendant ce ramadan, comme les années précédentes, les patients atteints de Covid-19 devraient toutefois "envisager de ne pas le faire".
"Ils doivent suivre les dérogations prévues par la religion, en concertation avec leur médecin, comme pour toute autre maladie", note l’Organisation sur son site internet, plaidant pour un régime alimentaire sain, une hydratation adaptée et une bonne nutrition.
En ce ramadan très particulier, il convient donc de s’adapter au confinement en conciliant foi et respect des mesures anti-coronavirus. Une tâche ardue, mais possible avec l’effort de tout un chacun.