Scandale immobilier de Témara: ce que dit la loi sur les permis de construire et pourquoi le flou juridique persiste

Un chantier en contruction. 

Un chantier en contruction.  . DR

Le scandale de Témara suscite des débats autour des permis de construire délivrés par les communes. En cas de non-réponse dans un délai d’un mois, le promoteur immobilier a le droit d'entamer les travaux. Mais le flou demeure et des dépassements peuvent survenir. Explications.

Le 27/10/2022 à 16h50

Parmi les arguments avancés par le promoteur immobilier qui avait construit le lotissement Al Qods à Témara, et dont plusieurs immeubles ont été récemment démolis par les pouvoirs publics, figure celui de la non-délivrance du permis de construire par la commune. Les responsables de Gya Foncière, à l’origine dudit projet, affirment ne pas avoir violé la loi puisque, deux mois après le dépôt de leur demande de construire, ils n’ont reçu aucune réponse. A les croire, eux qui invoquent les législations en vigueur, cela équivaut à une approbation tacite. Ils ont raison, mais pas sur toute la ligne. La loi 12-90 stipule dans son article que «dans le cas de silence du président du conseil communal, le permis de construire est censé accordé à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date du dépôt de la demande».

Ce délai a même été ramené à un mois suite aux orientations royales du discours du Trône en juillet 2019 et l’adoption de la loi 55-19 instaurant une véritable révolution dans la simplification des procédures administratives et la réduction des délais de réponse. Cela avait commencé par l’installation des guichets uniques, puis le lancement de la plateforme «Rokhas» (autorisations) qui a significativement changé la donne.

Deux mois? Plutôt 15 jours«Aujourd’hui, grâce à la plateforme Rokhas, le délai de réponse a été ramené à 15 jours et c’est valable pratiquement dans l’ensemble des communes du Royaume. En général, il n’y a plus de raison de s’attarder sur cette histoire d’approbation tacite», nous déclare le président d’une commune. Sur ladite plateforme, toutes les parties concernées ont accès aux mêmes documents accompagnant la demande du permis de construire: la commune, l’agence urbaine et d’autres services extérieurs dont la Protection civile.

Chacune de ces parties émet ses remarques ou réserves dans un délai de 5 jours et l’architecte responsable du projet peut y partager les documents supplémentaires demandés. «La loi nous oblige aussi, nous les présidents de communes, à justifier notre décision de refuser l’octroi d’un permis de construire. C’est le cas d’ailleurs pour toute autre demande», affirme notre source.

En tout état de cause, la loi en vigueur stipule qu’un promoteur immobilier, ou un particulier, peut passer outre le permis de construire délivré par la commune si cette dernière ne réagit pas dans un délai d’un mois.

«Là, nous sommes plongés dans un autre dilemme. Sans autorisation dûment délivrée, comment faire pour régulariser la situation? Tout promoteur, ou même un particulier, doit s’acquitter de multiples frais auprès de l’agence urbaine, de la conservation foncière, payer les frais qu’implique l’occupation temporaire de l’espace public pendant les travaux, voire pour être raccordé provisoirement aux réseaux d’eau et d’électricité», commente Hatim Beggar, avocat au barreau de Kénitra et membre du conseil communal de la même ville.

Dans tous les cas de figure, tout promoteur doit notifier le début des travaux de son projet à la commune concernée et aux autorités locales.

La justice administrative est la solutionPour Me Beggar, éviter les problèmes qui pourraient découler de l’absence d’une autorisation de construire en bonne et due forme est possible grâce aux juridictions administratives.

«Tout promoteur qui se voit refuser une autorisation dans les règles de l’art peut saisir le tribunal administratif après avoir notifié la commune concernée et la tutelle (le ministère de l’Intérieur en la personne du gouverneur, Ndlr) et cela dans un délai de deux mois après l’épuisement du délai fixé par la loi», explique notre interlocuteur.

Dans le cas contraire, et si tel promoteur entame les travaux sans autorisation proprement dite, il revient aux pouvoirs publics de veiller au respect des législations sur l’urbanisme et de décider des mesures à prendre. «Dans la pratique, ce sont les pouvoirs publics qui s’assurent de la conformité de tous les projets avec les législations nationales, à charge pour eux de tenir informé les communes et les agences urbaines concernées», affirme un ingénieur, expert en législation de l’urbanisme, rattaché à un conseil communal.

Dans le cas d’éventuels dépassements de la part des pouvoirs publics, par exemple dans le cas d’une démolition, la loi protège aussi bien les promoteurs que les particuliers.

«Celui qui s'estime lésé par une intervention des pouvoirs publics a le droit de saisir le juge des référés, en l’occurrence le président du tribunal administratif, pour demander la suspension provisoire d’une démolition, par exemple», affirme l’avocat Hatim Beggar qui appelle à une refonte de l’article 48 de la loi sur l’urbanisme pour mettre fin au flou juridique entourant la délivrance des permis de construction.

Par Mohammed Boudarham
Le 27/10/2022 à 16h50