Deux gendarmes relevant de la Brigade de Douar Tilmi ont, lors de leur sortie, le 11 novembre dernier dans l’après-midi, à bord d’un véhicule particulier, remarqué un attroupement de jeunes filles et de garçons qu’ils ont voulu arrêter pour incitation à la débauche, rapporte Assabah dans son édition du 13 novembre. Les habitants du douar et les familles des jeunes ont alors encerclé les gendarmes et les ont séquestrés jusqu’à 3 h du matin.
Un usage pour lutter contre le célibat
L’arrivée de Lahcen Akhajdam, gouverneur de la province, des agents d’autorité et du chef de Brigade de la Gendarmerie, n’a pas réussi dans un premier temps à régler le problème. Et pour cause, la tradition de Takerfit est une ancienne coutume qui, dans la tribu d’Ait Hdidou, permet aux jeunes de faire connaissance et de discuter avant de se séparer au coucher du soleil. La méconnaissance de ce rite a suscité la colère des membres de la tribu et des habitants du douar qui ont séquestré les gendarmes pendant plusieurs heures avant de les relâcher. Les contestataires ont même exigé la venue du Procureur du Roi à Ouarzazate pour les libérer. Ce n’est qu’après l’intervention des notables de la région d’Amesmir, du chef d’arrondissement et du Caïd de la région, et après d’âpres négociations, que les citoyens ont consenti à les relâcher.
Une autre version des faits
Au final, il y aura eu plus de peur que de mal. Les gendarmes se sont excusés d’avoir perturbé un rite local et la promesse a été faite aux habitants de sanctions disciplinaires contre eux. Rappelons que dans les régions du Sud-Est, notamment à Imilchil, dans le Moyen Atlas, à Tafraout ou à Tata, les habitants observent aujourd’hui encore une vieille coutume nommée Takerfit ou Skir pour combattre le célibat parmi les jeunes. Cette information a été également véhiculée par le quotidien Al Massae. Sur sa Une, le journal titre en effet: «Des gendarmes séquestrés pour abus d’autorité par les habitants de Tinghir». A la différence d’Assabah, celui-ci indique que les gendarmes ont voulu arrêter deux jeunes gens de la région, ce qui a donné lieu à une joute verbale. Très vite, la situation a échappé aux gendarmes quand les jeunes ont appelé à l’aide leurs concitoyens. Les habitants se sont alors insurgés contre le désir des gendarmes d’arrêter ces jeunes et ont alors encerclé le véhicule des agents d’autorité qui n’étaient pas dans leur état normal, indiquent certains témoins. Assabah souligne que les ONG ont tiré la sonnette d’alarme quant à l’ébullition régnant dans la région après la multiplication des abus des gendarmes.
Au-delà du factuel, il semble bien que la région de Tinghir ait besoin d’un médiateur pour calmer les ardeurs de certains agents d’autorité qui ne connaissent ni la réalité locale, ni les limites de leurs compétences. Après tout, personne n’est au-dessus des lois. Si le citoyen a des devoirs, dire qu’il a aussi des droits est une lapalissade. Parmi ces droits, il y a celui de se voir respecter dans ses coutumes sans être inquiété, du moment qu’elles n’ont rien d’illégal.