En tout, 350.000 de ces décès sont causés par des accidents de travail (AT). Au moins 402 millions de personnes souffrent d’AT non mortels. Les accidents du travail et les maladies professionnelles engendreraient un recul annuel de 5,4% du PIB mondial. En l'absence de chiffres exacts, l’OIT estime que le Maroc enregistre chaque année un taux de 47,8% d’accidents de travail mortels pour 100.000 travailleurs, alors qu’on déplore l’absence d’estimation pour les maladies professionnelles, indique le Dr Benaceur Benali, spécialiste en médecine de travail et enseignant à la faculté de médecine et de pharmacie de Rabat.
Il faut rappeler que la communauté internationale, dont le Maroc, a célébré, le 28 avril 2022, la Journée Mondiale de la Sécurité et la Santé au Travail, avec pour thème «Agir ensemble pour instaurer une culture positive de la sécurité et de la santé».
De son côté, l’Association internationale d’hygiène au travail -IOHA, définit la santé et la sécurité au travail (SST) comme étant la science de l’anticipation, de l’identification, de l’évaluation et de la maîtrise des risques encourus sur le lieu de travail, qui sont susceptibles de compromettre la santé et le bien-être des travailleurs, explique le Dr Benali.
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Le respect du droit dans un milieu de travail sûr et salubre à tous les niveaux, par la mise en place d’un système de droits, de responsabilités et des obligations en matière de prévention des risques professionnels sur les lieux de travail, remonte au Maroc à 1913.
Il est régi par le Dahir des obligations et contrats. Selon ce texte de loi, l’implication et l’intervention active et dynamique de tous les acteurs de prévention et de la réparation des lésions professionnelles que se soit le gouvernement, le patronat ou le syndicat sont une obligation et un devoir envers tout salarié.
Il est vrai que la prise en compte des risques professionnels et la réparation des lésions professionnelles sont de plus en plus intégrées dans les lignes stratégiques des entreprises marocaines.
De même que des actions des pouvoirs publics ont été mises en œuvres pour promouvoir la santé et la sécurité au travail, surtout en ce qui concerne la lutte contre les risques professionnels en entreprises, en raison de leur impact considérable à la fois sur les personnes, sur l’entreprise et par conséquent sur l’économie marocaine, précise le Dr Benali.
Ainsi, le Maroc a ratifié les conventions n°187 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) portant sur le cadre promotionnel pour la santé et la sécurité au travail.
Cette convention se base sur le principe de la culture préventive sur les lieux du travail. Ainsi, le législateur au Maroc a mis à jour les modalités de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Cependant, malgré tous ces efforts non négligeables, des questions restent toujours posées, indique le Dr Benali, spécialiste de la médecine du travail.
- La rareté, voire l’absence des enseignants-chercheurs pour former des compétences spécialisées dans le domaine de la santé et la sécurité au travail (médecins du travail, ergonomes, hygiénistes du travail, toxicologues…).
- La faible couverture des travailleurs au Maroc par des services de santé et de sécurité de travail.
- Le retard dans la mise à jour du code du travail.
- L’absence de moyens pour protéger les salariés du secteur informel.
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- La faiblesse des moyens de contrôle pour faire respecter les lois en vigueur en matière de santé sécurité au travail.
- L’irrégularité dans le système de suivi des accidents et des maladies liées au travail. La qualité du système de réparation des lésions professionnelles a besoin de plus de performance.
- La nécessité de la mise en place d’un circuit fiable et efficient par la transmission d’informations claires et compréhensibles sur les moyens mis en place pour protéger les salariés.
- L’absence d’un protocole réglementé pour la surveillance médicale, après la retraite, pour les salariés ayant été exposés à des agents cancérigènes ou mutagènes.
- Enfin, l’obligation d’une réflexion politique approfondie pour développer une stratégie nationale visant la promotion de la santé globale sur les lieux du travail
La santé et la sécurité des salariés au travail constituent aujourd’hui une condition primordiale d’efficacité et de performance pour l’employé et pour l’employeur, insiste le Pr Benali, d’autant que ces deux composantes constituent un pilier de développement durable au même titre que les autres volets économiques, sociaux et environnementaux pour toute entreprise aspirant à une meilleure performance tout en assurant sa pérennité.
Sur le volet plus spécifique de la médecine au travail, dans un travail scientifique récent publié dans la revue marocaine de médecine pratique, les équipes de recherche des services de médecine de travail des facultés de médecine de Rabat et Fès, proposent des solutions pour atténuer les effets des accidents du travail (AT).
Les auteurs de ce travail scientifique indiquent que le législateur marocain a mis en place des règles spécifiques de réparation des accidents de travail.
Ces règles incluent la couverture totale des frais engagés pour les soins de la victime, l’indemnisation partielle de la perte du salaire et en cas d’incapacité permanente du travail, l’attribution d’une rente qui s’évalue en fonction du taux de l’invalidité et du salaire de la victime.
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Tout cela entre dans le cadre du texte de loi n°18-12 relatif à la réparation des AT, qui a permis d’alléger les procédures de déclaration des AT en introduisant pour la première fois au Maroc l’obligation de la conciliation entre l’entreprise d’assurance et la victime.
Ce texte de loi définit également la procédure de déclaration, des droits et obligations des parties prenantes, sans oublier l’assimilation des lésions psychiques à des lésions corporelles, où la victime a la possibilité de réaliser une déclaration d’AT en cas de souffrance morale liée au travail.
Le gouvernement, les employeurs et les travailleurs doivent s’activer pour assurer un milieu de travail sûr et salubre, au moyen d’un système de droits, de responsabilités et d’obligations définis et où le principe de prévention se voit accorder la plus haute priorité, crie haut et fort le Dr Benaceur Benali, chef du service de la médecine du travail au Centre hospitalier universitaire Ibn Sina de Rabat-Salé.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.