Les 27 et 28 mai 2022, tous les psychiatres marocains, universitaires, publics, privés et militaires se sont réunis en conclave à Marrakech avec un seul but, l’élaboration de protocoles thérapeutiques standardisés pour la prise en charge de la schizophrénie.
Les travaux ont été axés sur le diagnostic précoce de cette maladie mentale très complexe, qui touche essentiellement les jeunes entre 15 et 35 ans.
La schizophrénie étant la plus fréquente des psychoses, elle survient chez une personne sans distinction de genre, de culture ou d’origine sociale, rappelle le Pr Mehdi Paes, éminent psychiatre marocain.
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Il faut rappeler que la schizophrénie est une forme de psychose qui se caractérise par une perte de contact avec la réalité soit par le biais d´hallucinations (qui peuvent être auditive, visuelles ou textiles) ou par le biais de délires, c’est à dire, des fausses croyances qu’on peut raisonner (par exemple, être persuadé que l’on est poursuivi par des extra-terrestres ou une organisation secrète).
Une psychose peut être brève d’une d’au moins d’un mois, une micropsychose (durer quelques heures ou jours), toxique (induite par des drogues), ou faire partie d’un trouble sévère et persistant comme la schizophrénie.
Dans la schizophrénie, en plus de la psychose qui persiste depuis plus d’un mois, on note une diminution du fonctionnement global depuis au moins six mois. Il pourra y avoir retrait social, difficultés cognitives, perte d’intérêt et de motivation. Les pensées et le comportement peuvent être désorganisés.
On estime qu’il y a 340.000 Marocains qui souffrent de schizophrénie, alors que le monde entier en compte 24 millions, soit 1 personne sur 300, c’est ce que révèle le Pr Abderrazzak Ouanass, président de la Société marocaine de psychiatrie, lors du congrès national de psychiatrie tenue à Marrakech, les 27 et 28 mai 2022.
Le principal enjeu de cette édition nationale de formation médicale continue en psychiatrie est de réunir et comparer toutes les études nationales et internationales sur cette pathologie afin d’arriver à l’élaboration, pour la première fois au Maroc, des premiers protocoles thérapeutiques de la schizophrénie au Maroc, tient à préciser le Pr Ouanass, médecin-directeur adjoint de l’hôpital universitaire psychiatrique du CHU de Rabat-Salé.
Ces protocoles thérapeutiques seront élaborés après des concertations approfondies et consensuelles entre les psychiatres marocains et étrangers, tous les secteurs confondus, universitaire, public, privé et militaire et en se basant sur des recommandations internationales d’institutions comme l’OMS.
Par conséquent, ce guide thérapeutique constituera dorénavant une référence scientifique nationale pour toute prise en charge thérapeutique de la schizophrénie.
De même, le respect de ses protocoles par les médecins prescripteurs, sera le garant et la base sur lesquels les Organismes de remboursement des frais de soins psychiatriques, vont pouvoir accepter ou rejeter une prescription psychiatrique contre cette pathologie très complexe qu’est la schizophrénie.
Par ailleurs, il faut préciser que plusieurs études parcellaires marocaines montrent que 75% des familles marocaines vivant avec un malade schizophrène, ne comprennent pas ce que c’est que cette maladie. A aujourd’hui, certains parents ont tendance à faire appel à la sorcellerie plutôt qu’à la médecine moderne.
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Ces mêmes études rapportent que 70% des personnes souffrant de cette pathologie mentale sont passés par la case guérisseurs traditionnels, herboristes, fqihs ou toute autre forme de charlatanisme.
Hélas, toutes les rencontres scientifiques marocaines sur la psychiatrie, régionales ou nationales, remettent sur le tapis, cette réalité sociale, face à l’incompréhension de la maladie psychiatrique par les familles, regrette le Pr Ouanass.
Cette maladie mentale qui touche 1% des Marocains, est une psychose caractérisée par une perte de contact avec la réalité. L’OMS classe cette psychose parmi les 10 maladies les plus handicapantes.
Elle peut avoir des répercussions négatives dans tous les domaines de la vie, y compris le fonctionnement personnel, familial, social, éducatif et professionnel.
La schizophrénie reste une maladie méconnue, parfois des malades eux-mêmes. Ainsi, environ un tiers des personnes schizophrènes ne bénéficient pas du suivi médical qui pourrait améliorer considérablement leurs souffrances et leur existence. Car la schizophrénie se caractérise par des manifestations qualifiées d’étranges (hallucinations auditives et visuelles, idées délirantes, propos incohérents), mais également par des symptômes tels que la dépression, l’apathie et des troubles cognitifs (troubles de la mémoire, de la motricité et de l’attention).
L’impact sur la vie quotidienne est important, et engendre bien souvent un repli sur soi et une désinsertion sociale. Jusqu’à l’envie d’en finir. 40% des personnes atteintes tentent de se suicider et 10% y parviennent. Jusqu’à récemment, on a qualifié cette pathologie mentale d’incurable.
Mais, depuis, d’énormes progrès thérapeutiques ont fait leurs apparitions. Les innovations thérapeutiques sur cette maladie psychiatrique ont été présentées au congrès national de psychiatrie de mai 2022 à Marrakech.
Pour le Pr A. Ouanass, il existe plusieurs options thérapeutiques efficaces pour les personnes atteintes de schizophrénie: les médicaments, la psycho-éducation, les interventions familiales, la thérapie cognitivo-comportementale et la réadaptation psychosociale, par l’acquisition de nouvelles compétences pratiques.
Il ajoute que l’aide à la vie quotidienne, le logement avec services de soutien et l’emploi aidé sont des possibilités essentielles qui devraient être proposées aux personnes atteintes de schizophrénie. Des concepts nouveaux sous nos cieux marocains mais qu’il est impératif de développer.
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Enfin, une approche axée sur le rétablissement –visant à donner aux personnes la possibilité de prendre des décisions au sujet de leur traitement– est essentielle pour les personnes atteintes de schizophrénie et pour les familles et/ou les aidants, insiste le président de la société marocaine de psychiatrie. Pour mettre toutes les conditions de succès à leurs travaux scientifiques, les psychiatres marocains ont passé la schizophrénie sous toutes ses coutures.
Evolution de différents concepts médicaux et sociaux de la schizophrénie, le rôle du séquençage de l’ADN dans la détermination des bases génétiques de la schizophrénie, les formes résistantes de la schizophrénie à toute thérapeutique, quels liens y a-t-il entre les addictions aux drogues et la schizophrénie? Ce sont là quelques-unes des thématiques développées et approfondies lors de ce congrès national de psychiatrie.
Quelle est l’approche psychologique pour un meilleur vécu pour le malade atteint de schizophrénie et sa famille et enfin quels sont les aspects médico-légaux des patients psychotiques? Ce sont les autres principaux axes des travaux scientifiques de cette session nationale de formation médicale continue sur les maladies psychiatriques.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.