Comme bon nombre de médecins marocains opérant dans le secteur privé, la docteure Majida Zahraoui, n’a pas hésité à fermer son cabinet pour rejoindre ses confrères dans la lutte contre le Covid-19.
Ce choix, cette professeure en médecine interne et pathologies infectieuses l’explique par le sens de la responsabilité dont savent faire preuve les médecins vis-à-vis de leur compatriotes, mùais aussi par la peur.
«Face à cette pandémie qui venait en vague comme un tsunami vers des pays proches de nous comme la France, l’Espagne et l’Italie, nous nous sommes demandés si nous aurions les moyens [de lutter contre la progression des cas de Covid-19, Ndlr]. Il y avait une très grande peur, fin février, début mars, et moi, c’est ce qui m’a poussé à rejoindre mes collègues de la délégation médicale de la santé publique pour aller travailler avec eux», explique Majida Zahraoui
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Au début du mois de mars 2020, le Maroc avait enregistré ses premiers cas positifs au Covid-19 et très tôt, le corps médical s’est mobilisé, et a échangé ses points de vue pour mettre en place un protocole de soins adaptés.
«Vers le 19 mars, il y avait déjà quelques cas hospitalisés, nous nous sommes réunis en staff et nous avons commencé à parler des dossiers pour commencer un traitement. A cette époque il n’y avait pas encore de protocole, nous avons opté pour le protocole qui est toujours en vigueur, l’hydroxychloroquine et l’azithromycine», indique cette professeure de médecine, qui a fait partie de l’équipe de médecins qui a élaboré le protocole de soins actuellement en vigueur.
Au fur et à mesure que les services de soins accueillaient les premiers patients positifs au coronavirus, les médecins se réunissaient et échangeaient entre eux, pour assurer un suivi de chaque cas de manière collégiale.
«Tous les jours, nous organisions des réunions, ensuite nous échangions par WhatsApp. Nous suivions les cas de très près et nous prenions des décisions tous ensemble. C’était une expérience très intéressante. Nous avons appris à nous découvrir, le secteur privé et public sont séparés en temps normal, chacun travaille dans son petit coin mais là, nous étions tous ensemble, un groupe de gens qui soignait des patients», confie Majida Zahraoui avec émotion, tout en espérant que cette collaboration, marquée par la générosité et la mutualisation des efforts, continuera après la crise.
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Selon la professeure en médecine interne, ce fonctionnement a permis de minimiser les risques et le nombre de cas graves mais aussi de créer une dynamique et une force au sein du corps médical: «nous étions mus par une force, nous travaillons toute la journée et le soir c’était les staffs via des groupes WhatsApp, réunissant tous les hôpitaux de la région, Casablanca, El Jadida, Settat… Mais aussi des groupes de 300, 500 médecins généralistes, qui nous ont intégré et qui voulaient tout savoir sur le virus parce qu’ils se sont sentis remplis d’une mission ultérieure, et que par la suite, ils auraient à s’occuper de ces patients».
En cette période de déconfinement, Majida Zahraoui tient à saluer la mobilisation dont font preuve les médecins en charge du dépistage du Covid-19 dans les entreprises, qui permettent d’avoir un meilleur aperçu épidémiologique, et de relancer l’activité économique du pays.
Depuis l’annonce de la troisième phase du déconfinement, le nombre de cas a connu une forte progression. Interrogée sur cette troisième étape, Majida Zahraoui préconise que les patients soient désormais suivis à domicile.
«Les médecins sont fatigués parce qu’il y a énormément de cas asymptomatiques qui sont hospitalisés dans les hôpitaux publics et les hôpitaux de campagne. Ces patients, à mon sens, et beaucoup de médecins sont de mon avis, devraient être "gérés" à domicile», explique-t-elle.
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«Ça coûtera moins cher. L’Etat et les médecins dans les hôpitaux pourraient s’occuper des patients dans un état plus avancé. Nous sommes dans une phase où nous maîtrisons les choses. Il faudrait qu’il y ait un kit de soins remis gratuitement aux patients, le médecin traitant ou le médecin du centre de soins primaires verrait le patient chez lui et ensuite il assurerait le suivi à distance par téléphone» estime la médecin.
Concernant les séquelles, suite à la maladie, la professeure se fait rassurante: «nous avons gardé contact avec les patients soignés dans les cas les plus graves, nous avons procédé à des examens au niveau des poumons, et ils sont normaux».
La question qui se pose pour les médecins aujourd’hui est celle de l’immunité: «y aura-t-il une immunité définitive? Il se peut que ce nouveau virus, cette maladie du Covid-19 soit une nouvelle forme de grippe aux visages multiples qui va s’installer chez nous tout comme la grippe?», s’interroge Majida Zahraoui.
Questionnée sur ce qu’il faudrait retenir de la crise sanitaire, pour la professeure en médecine interne, c'est «la solidarité et ce, à tous les niveaux».
Il s'agit, pour elle, de «la solidarité des entreprises, qui ont donné. L’Etat, qui a fait passer la santé du patient avant tout, avec un traitement qui marche et qui reste peu onéreux. Vous allez entendre dire que "l’immunité du patient marocain est plus forte", mais ce n’est pas vrai, dans des pays voisins, les taux de mortalité sont énormes, parce qu’ils n’utilisent pas de manière systématique ce traitement. Donc ce n’est pas une question d’immunité, il y a des patients marocains qui sont morts, mais en général les patients qui sont décédés sont des patients qui avaient des conditions de terrain particulières, et pas forcément d’un âge avancé», conclut Majida Zahraoui.