Porté par la fondation OCP, le Lycée d'Excellence, ou, dans sa forme contractée, le Lydex, à Ben Guerir, se classe aujourd’hui, pour ses classes prépa scientifiques, parmi les meilleurs à préparer ses élèves aux concours d'accès aux grandes écoles françaises, venant ainsi insolemment tutoyer les plus prestigieux lycées français tels que Sainte-Geneviève à Versailles ou encore Louis-le-Grand à Paris (et rien de moins).
Peu connu du grand public, très discret sur sa communication, le Lycée d’Excellence a ouvert ses portes en exclusivité pour Le360, et son équipe pédagogique a bien voulu révéler les secrets de cette réussite. Cette année, celle-ci est encore au rendez-vous, comme l’explique Christophe Boeckel, directeur des Classes Préparatoires aux grandes écoles (CPGE) du Lydex.
«Sur 187 élèves qui étaient admissibles, 151 ont une proposition d’école d’ingénieurs en France. Plus précisément 11 élèves admis à Polytechnique, l’X, c’est l’école considérée par les élèves comme étant la plus prestigieuse. Ensuite il y a une autre école qui est placée en deuxième position, Centrale-Supélec, pour laquelle il y a un concours international, donc ouvert aux étudiants étrangers et qui ont fait leur prépas à l’étranger. Il y a 12 places, et ces 12 places ont été prises par les Lydexiens. Il y en a aussi un treizième qui a passé ses concours en France. Dans la filière technologique, sur les 5 places disponibles, quatre ont été prises par nos élèves», détaille Christophe Boeckel.
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Entièrement financé par la fondation OCP, le Lydex est le fruit d’un partenariat public-privé. L’ensemble des enseignants de ce lycée sont marocains et relèvent du ministère de l’Education nationale. Au niveau des élèves, la mixité sociale et géographique est privilégiée, avec une discrimination positive pour les étudiants dont les parents ou tuteurs sont les plus démunis, et ce, dès le processus de sélection.
«Si vous regardez la voie 1, qui se base sur le critère académique, il y a 85% des élèves qui proviennent du privé, et 15% du public. En plus, nous constatons que ces élèves viennent en grand nombre des grands centres urbains, donc la voie 2 cherche à rééquilibrer un peu tout ça, en mettant un peu plus l'accent sur le rural, sur le périurbain, et [en cherchant à] rééquilibrer aussi entre le public et le privé», explique le directeur des CPGE du Lydex, qui détaille davantage la répartition des élèves: «certes, dans le public, ils ne sont peut-être pas forcément aussi bien encadrés que dans le privé, mais il y a beaucoup d'élèves qui ont un très très gros potentiel, et donc justement, pour la présélection, on prend plutôt 85% [d'élèves] de public et 15% [d'élèves] du privé. Au bout du compte, parmi les élèves qui sont chez nous, à peu près 80% [d'entre eux sont issus] du public et 20% du privé».
Lahcen Moussafir est admissible à Centrale Supélec, prestigieuse école d'ingénieurs française. Le360 l'a suivi jusqu'à son domicile, chez ses parents. Au bout d’une heure de trajet sur une petite piste sinueuse, se trouve le petit douar d’Agni Ahndir. C’est dans ce petit village isolé de la région de Chichaoua qu’il a grandi. Ce jeune homme, qui a effectué l'ensemble de sa scolarité dans des établissements publics au Maroc, est un futur centralien. A la rentrée prochaine, il rejoindra les bancs de Centrale Supélec, à Paris, un petit miracle qui a été rendu possible grâce à sa persévérance, son intelligence et son passage par le Lydex. Pour Le360, Lahcen Moussafir a évoqué sa scolarité, qui n’a pas été des plus faciles.
«Tout au long de mon parcours scolaire, j’ai rencontré des difficultés. Quand tu grandis dans un douar, il n’y a pas d’équipements pour étudier, le niveau de français est faible, il a fallu que j’étudie cette langue par moi-même. Il y a aussi plusieurs tâches à faire pour aider les parents, dans les champs, et il faut aussi s’occuper du bétail. Il n’y a pas non plus de réseau pour Internet et tu ne trouves pas beaucoup de livres, donc c’est dur d’étudier dans ces conditions», témoigne-t-il.
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Dès son adolescence, le jeune homme a dû s’adapter et devenir autonome. A 13-14 ans, il était déjà loin de la maison, et vivait à l’internat, alors qu'il poursuivait ses études au collège, puis au lycée.
«Pour vaincre ces difficultés, déjà, les parents insistaient tout le temps sur les études, c’est une bonne chose. Ensuite, il faut dire que moi aussi, j'étais passionné par mes études, j’étais sage et j’avais de bons résultats. Et puis, il faut de la patience. Même si c’est difficile d’étudier, et qu’on ne te donne pas les mêmes conditions que les autres, c’est possible de réussir sa scolarité. Il faut juste persévérer. C’est ce qui compte», confie Lahcen Moussafir.
En plus des nombreux écueils liés au manque de moyens alloués à l'éducation en milieu rural, les jeunes élèves sont souvent confrontés à la mentalité de leurs parents, qui refusent parfois de les laisser poursuivre leurs études. Pour Lahcen, la donne a été différente, car son père, maçon, a toujours insisté pour que ses enfants aillent à l’école. Et aujourd’hui, il est très fier de son fils.
«Moi, tous mes enfants ont étudié, Hamdullah, et j’en suis fier. Je conseille aux parents de pousser leurs enfants à étudier, de les aider. Je veux voir les jeunes s’élever et avancer, ne pas rester bloquer à l’âge de pierre indéfiniment. Il faut que les mentalités évoluent, que les gens poussent leurs enfants à étudier et les aident avec les moyens dont ils disposent», explique le père de Lahcen Moussafir.
Retour au Lydex, à Ben Guerir. 90% des élèves de cet établissement sont pris en charge à 100% et, pour ceux dont les parents n'ont pas suffisamment de moyens, une bourse supplémentaire leur est accordée pour la prise en charge leurs dépenses annexes.
«La bourse est octroyée en fonction des revenus de la famille. Une bonne partie des élèves (...) est prise en charge, et puis pour quelques élèves, il n' y a pas de bourse, parce que les revenus [de leurs parents] sont très élevés. Il y a une vraie diversité sociale, mais 90 % des élèves sont totalement pris en charge», explique Christophe Boeckel.
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Tout comme pour Lahcen, qui a été repéré dans son petit douar, le Lydex n’hésite pas à déployer ses équipes dans l’ensemble du territoire pour dénicher ses futurs pensionnaires, et tout particulièrement dans les provinces marocaines du sud du Royaume.
Aymane Maaitat a grandi à Laâyoune, et l’année prochaine il rejoindra les rangs de la plus prestigieuses des écoles d’ingénieurs françaises, Polytechnique.
«Je suis né et j’ai grandi à Laâyoune. Du primaire au lycée, j’ai étudié à l’école publique. J’ai eu mon baccalauréat, filière mathématiques, avec une moyenne de 18/20. C’était la meilleure note de la ville de Laâyoune, en section française. Pour réussir, c’est sûr que les études doivent passer avant tout, mais il faut faire des activités à côté. Par exemple, moi, j’ai tout fait. Je regarde des dessins animés, je lis des mangas, je dessine, et je fais beaucoup de sport», témoigne le jeune homme.
Tout comme pour Lahcen, les parents d'Aymane ont eux aussi joué un grand rôle et l’ont toujours encouragé à étudier.
«Je suis fière de lui, et je suis sûre qu’il continuera à nous rendre fiers en France, comme il l’a toujours fait à Laâyoune et à Ben Guerir. Que Dieu lui vienne en aide pour qu’il réussisse et qu’il revienne travailler dans son pays, pour sa patrie», explique la mère d’Aymane.
Même si plusieurs efforts ont été entrepris ces dernières années en ce qui concerne l'éducation des jeunes marocains, des problèmes persistent et les empêchent de poursuivre sur cette voie et d’exprimer leur talent, comme l’explique le frère de Lahcen Moussafir, qui est enseignant.
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«Concernant la scolarité des enfants dans la région, il y a plusieurs difficultés. L’absence de transport scolaire, le fait que l’élève entre directement en CP, cela pose problème et les élèves ne passent que 4 heures 30 à l’école. Les enseignants aussi font face à beaucoup de problèmes. Certains arrivent dans un douar, se retrouvent isolés, sans hébergement, il n’y a ni électricité, ni de couverture réseau pour Internet» explique ce prof.
Autre problème de taille au Maroc, la scolarisation des filles, en milieu rural. Dans la région de Chichaoua, par exemple, «ici, les filles ne poursuivent pas leurs études au collège et au lycée. Premièrement, les infrastructures des internats pour les filles ne sont pas adaptées, et surtout, il n’y a pas de transport scolaire. Il y a des élèves avec du potentiel, des jeunes qui, si on leur donne une chance de poursuivre leurs études, iront loin et serviront leur pays», confie le frère de Lahcen.
Avec le Lydex de Ben Guérir, le groupe OCP ouvre une brèche sur les possibilités que peut offrir un partenariat public/privé dans le développement d’une éducation de qualité au Maroc. Aujourd'hui, le Lydex est un modèle qui fonctionne, et qui gagnerait à être dupliqué dans l'ensemble du Maroc. En seulement six années d’existence, il a permis de révéler une infime partie des jeunes talents marocains, qui n’attendent qu’une chose, une chance de briller.