Le coaching est un vrai métier, ou, du moins, aspire à le devenir. Au Maroc, cet accompagnement de personnes a débuté à la fin des années 90, dans la lignée d’une activité à cette époque à son apogée aux Etats-Unis.
Grâce à des emprunts variés aux techniques psychothérapeutiques de diverses écoles de pensée du XXe siècle, et en s’inspirant aussi des préceptes de la sagesse universelle des voies spirituelles qui ont guidé l’humanité, tout particulièrement ceux de la philosophie orientale, le coaching fait une grande promesse à ses clients.
Le coach accompagnateur, toujours rémunéré, parfois très grassement, entend en effet les aider à optimiser leurs compétences et à parfaire leur image, à travers le pouvoir de la maïeutique, une méthode aussi vieille que l’Antiquité, que le philosophe grec Socrate a longuement expliquée dans les œuvres de Platon: il s’agit, pour les «coachés», de mettre en forme des pensées confuses, par le dialogue.
Au Maroc, le coaching reste peu apprécié. Son efficacité, sujette à caution, et le manque de sérieux de certains coachs, ne permettent pas aux Marocains de faire confiance à cette activité libérale qui, d’ailleurs, ne bénéficie à ce jour d’aucune reconnaissance de l’Etat.
Le tabou des tarifsLe coaching est toutefois un business très lucratif, aujourd’hui pratiqué par un millier de coachs qui s’activent dans divers «ateliers», ainsi que lors de «séminaires de formation», étalés sur une ou plusieurs journées, dans l’ensemble du royaume. Mais cette évaluation du nombre de coachs est très approximative: «il est difficile de donner un chiffre sur le nombre exact de coaches qui exercent selon les normes de compétences et d’éthique requises», explique Mustapha Faik, président, au Maroc, de l’International Federation of Coaching (IFC), une association qui tente de mettre un peu d’ordre dans un métier qui peine encore à être réellement défini.
L’absence d’un cadre juridique permet à certains coachs, les moins qualifiés, d’y trouver largement leur compte. Et certains proposent même des tarifs bien plus onéreux que ceux d’une consultation médicale (être médecin requiert, hors spécialisation, un minimum de 7 années d’études acharnées). Les séances de certains coachs sont en effet proposées à des prix totalement exorbitants: «un pack de 30 séances est à 15.000 dirhams. 50 séances reviennent à 30.000 dirhams. En gros, le prix d’une séance varie entre 350 et 500 dirhams de l’heure», détaille Houda, ancienne «patiente» d’un coach installé à Rabat.
Lire aussi : Vidéo. Voici pourquoi Nahed Rachad, coach, s’est attirée la colère des femmes
De leur côté, les coachs, quant à eux, refusent de parler de leurs «honoraires».
«Je ne suis pas en mesure de vous donner un barème. En l’absence d’une réglementation, je ne peux pas présenter une tarification exacte. Il existe plusieurs tarifs, celui des séances commandées par les entreprises pour leurs salariés, puis le tarif des séances individuelles, et cela varie!», se défile une coach, Mounia Benchekroun, qui, après quelques questions insistantes, finit tout de même par avouer que «la moyenne se situe entre 800 et 1000 dirhams de l’heure, hors taxes, pour les séances individuelles, et de 5.000 à 8.000 dirhams de l’heure pour des séances de coaching collectif».
Mustapha Faik, le président de l’IFC, tente quant à lui, tant bien que mal, d’expliquer ces tarifs: «je ne pense pas que les niveaux des tarifs des bons coachs soient exorbitants. Il existe bel et bien un marché de la formation et de l’exercice du coaching au Maroc qui concerne les individus, les équipes et les organisations». Mais une grille exacte de ces tarifs reste toutefois introuvable, et les honoraires des coaches marocains sont à leur totale discrétion.
Un vide juridique total, qui dérange les «vrais» coachsEn fait, le contrôle par l’Etat de la profession de coach est tout bonnement inexistant. L’absence, au Maroc, d'un cadre législatif qui définirait ce métier très nouveau, y compris en Occident, permet à n’importe qui d’user librement de ce titre, et de s’autoproclamer, un beau jour, «coach». A charge pour lui d’acquérir une certaine notoriété sur les réseaux sociaux, d’adopter un discours de valorisation de soi qui plaira à son public, et, fin du fin, de se doter d’un local luxueux, «qui en jette», pour les plus aisés: voilà la formule magique qui permet à certains coachs autoproclamés de se décerner la qualité d’«accompagnateur» au Maroc, sans mériter ce titre.
Ces charlatans dérangent, pas seulement leur public, qu’ils trompent allègrement, et finissent par décevoir, mais aussi les coachs qualifiés, qui doivent parfois se justifier, et expliquer l’essence de leur profession encore bien neuve, qui se retrouve noyée dans une mauvaise réputation, selon eux non méritée.
Pour contrecarrer le charlatanisme, et mettre fin à ce chaos, l’IFC Maroc, qui a pris la relève de l’Association Professionnelle Maroc Coaching, prépare en ce moment un benchmark qui sera présenté à des responsables gouvernementaux au cours de cette année 2020, afin de permettre d’inscrire le coaching dans le répertoire des métiers reconnus au Maroc.
Mustapha Faik, son président, explique que son association dispose «d’un argumentaire bien appuyé à cet effet: le Maroc a ses écoles de coaching, ses cabinets de coaching, des coachs qui exercent en auto-entrepreneurs, une association professionnelle avec une vision, une stratégie et une charte d’éthique. Ce sont là les atouts d’une activité qui s’est organisée en un secteur porteur, capable de relever les défis de développement des compétences dans notre pays».
Lire aussi : Fonctionnaires, chercheurs d'emploi: coaching pour tous?
Quelles sont alors les acquis qui permettent à un coach d’exercer ce métier avec probité, en l’absence, pour l’heure, de sa réglementation? «La professionnalisation du métier passe, bien sûr, par une formation reconnue ou accréditée, par une certification sur un minimum de compétences, par de la formation continue et par de la supervision», argumente Mustapha Faik.
Mais en fait, qu’est-ce qu’un bon coach?Bien que pas du tout apprécié par un certain nombre de Marocains, le coaching est aujourd’hui très prisé par des entreprises ou des particuliers qui peinent à trouver une certaine reconnaissance de leur mal-être, ou du flou dans lequel ils peuvent se retrouver. Le coaching propose des programmes d’accompagnement à la carte, qui se doivent d’être à la hauteur, pour ne pas décevoir le client. Comment, alors, choisir son coach?
Pour répondre à cette question, Mustapha Faik, président de l’IFC, et lui-même coach, estime qu’un bon coach est, en fait, une personne qui a fait un grand travail sur elle-même.
Selon lui, un bon coach est une personne qui a exercé un autre métier pendant dix à quinze années, avant de suivre une formation solide en coaching, auprès d’un établissement de formation reconnu. De plus, ce bon coach doit disposer, de l’avis de Mustapha Faik, en plus d’un diplôme reconnu, ou accrédité, d’une formation dans au moins un cadre de référence qui consolide le (ou les) modèle(s) qu’il propose à ses clients.
Lire aussi : Parution: un dictionnaire de coaching aux éditions Precom
Pour lui, «une fois formé, le coach va perfectionner son métier selon trois voies: en premier lieu, choisir de s’organiser comme coach professionnel et rentrer (au Maroc, Ndlr) pour exercer dans le marché du coaching, en second lieu, il doit se présenter comme coach interne dans sa propre organisation, et en troisième lieu, il doit s’aligner sur une posture et des stratégies d’intervention comme manager–coach dans son organisation».
Et selon Mounia Benchekroun, «coach de vie», qui livre les secrets du coaching dans cette interview exclusive pour Le360, un bon coach «doit rester en quête d’apprentissage et être très à l’écoute de l’évolution du domaine et de l’environnement».
De la relation trouble entre la médecine et le coachingMais attention, le coaching ne doit en aucun cas se substituer à la médecine. S’inspirant d’une kyrielle de techniques de motivation, puisées dans les courants les plus divers de la psychothérapie, comme l’analyse transactionnelle, la gestalt-thérapie, la programmation neuro-linguistique ou la process com, le coaching accompagne des clients vers un mieux-être, mais n’est aucunement habilité à les soigner.
Il y a toutefois une exception: celle de ces professionnels de la santé psychologique, comme certains psychologues cliniciens, qui ont décidé de compléter leur cursus universitaire par une expérience en coaching, mais, dans tous les cas, un coach n’a pas le droit de donner des conseils médicaux, ou de mener une consultation de psychologie.
Il est donc évident que l’accompagnement de ces clients par ces techniques de développement personnel se distingue très nettement des thérapies psychologiques conventionnelles. Même si la frontière entre l’accompagnement d’un client et le soin paraît très ténue, et, de fait, est facilement franchissable, en aucun cas, un coach ne peut se targuer de cette prétention d’être capable de soigner des problèmes d’ordre psychiatrique ou psychologique.
«Il ne faut pas badiner avec la douleur des personnes», s’indigne Driss Jaydane, philosophe, écrivain et chroniqueur radiophonique, qui tient à rappeler que l’impact de l’individualisation qui caractérise de plus en plus la société marocaine entrave sérieusement le quotidien de bien des personnes.
Pour s’en sortir, celles-ci veulent tenter de nouvelles expériences, et le coaching en fait partie, afin de mieux se sentir et de mieux vivre leur relation à autrui.
Mais gare aux charlatans: une déception, après une expérience malheureuse avec un coach peu scrupuleux, quand un client est déjà émotionnellement fragilisé, peut avoir de réelles répercussions sur la santé et la vie sociale.