Costume-cravate, l'air serein, Abdelwahab Rafiki, plus connu sous le nom d'Abou Hafs, étonne par un discours très réformateur quant à certains aspects liés à la religion. L'héritage, l'apostasie, la nécessaire relecture de l'islam...Tout y passe. Invité mercredi 3 mai par le théâtre Aquarium à l'Institut français de Rabat, Abou Hafs s'est exprimé sur le code successoral. Il a déployé une pensée qui rompt avec ses vieilles convictions salafistes et les certitudes de son ancien cercle. Les voici, point par point.
Sur l’égalité dans l’héritage"Il est nécessaire d’ouvrir un dialogue autour du sujet de l’héritage. Ce concept de parité ne doit pas se limiter à la question de l’égalité dans l’héritage. C’est un sujet très complexe et multidimensionnel. Il faut le traiter en prenant en considération différents volets comme celui de l’adoption, des allocations familiales, des droits et devoirs aussi bien de l’homme que de la femme. C’est un sujet qui dépasse même la question de l’égalité des sexes. Il faudrait donc lancer un débat national pour déterminer les changements de la société, l’évolution du rôle de l’homme et de la femme au sein de la société. C’est ainsi qu’on pourra élaborer un texte juridique après avoir analysé la question dans ses différents aspects".
Sur les menaces de mort qu'il reçoitAbdelwahab Rafiki, ancien prisonnier salafiste gracié en 2012, a été accusé par plusieurs chioukhs d’avoir retourné sa veste. Certains vont jusqu'à le traiter d’apostat. Abou Hafs confirme ces multiples menaces de mort dont il a fait l’objet sur les réseaux sociaux. "J’ai aussi reçu plusieurs menaces de mort sur les réseaux sociaux de la part d’individus anonymes. Mais ce qui me dérange réellement, ce sont les accusations d’apostasie de la part de plusieurs Chioukhs. C’est dangereux car cela encourage plusieurs jeunes désoeuvrés à prendre le chemin de la violence".
Sur la liberté de conscienceLe chercheur en études islamiques a une position audacieuse sur cette question de liberté de culte et la liberté de conscience, à un moment où un très petit nombre de Marocains, convertis au christianisme, commencent à sortir de l'ombre. "La société doit être une société forte qui laisse aux gens la liberté de croire en ce qu’ils veulent et de penser ce qu’ils veulent. Ils ont toute la liberté de choisir la religion qu’ils veulent", a t-il déclaré.
Sur ses ambitions politiques Abdelwahab Rafiki est membre du parti de l’Istiqlal. S’il n’a pas été élu durant les dernières législatives de septembre 2016. Il dit travailler à réanimer la fonction intellectuelle du parti et ne pas laisser une grande distance entre la pensée et la politique.
Sur Abou Hafs, le salafisteAbou Hafs, le salafiste, est mort selon Abdelwahab Rafiki. Mais pas enterré. Abdelwahab Rafiki ne renie pas son parcours et passé de salafiste. Sa détention en prison pendant neuf ans après avoir été condamné à 30 ans puis gracié en 2012 fait partie de son identité, dit-il. C’est un repenti mais qui n’oublie pas pour autant tout le chemin parcouru. "Il y a une évolution notamment sur le plan des connaissances. Mon parcours est celui d’un homme qui a tout fait pour arriver à la vérité. Je ne serais pas l’homme que je suis aujourd’hui sans ce cheminement".