Les demandeurs marocains du visa français font face à un refus presque systématique et ce, depuis plus d’un mois. Le 28 septembre 2021, la France, par la voix de Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, a décidé de réduire de moitié le nombre de visas accordés aux ressortissants marocains et algériens.
La France a justifié cette décision par le fait que le Maroc refuse de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France.
Seulement voilà, la France, à travers la multinationale TLS, qui se charge du traitement des dossiers de visas, n’a pas changé entre-temps la programmation et la fréquence des rendez-vous, même si le nombre de visas allait se réduire de 50%. Sachant que les frais de dossiers ne sont pas remboursables, même en cas de refus.
«La France est en train de refuser des visas à la crème du Maroc. Ceux à qui on refuse aujourd’hui les visas sont des gens plus que solvables. Ce sont des milliardaires, des millionnaires, des hauts fonctionnaires, des professeurs universitaires, des médecins, des propriétaires de laboratoires de renom à Casablanca. Ils donnent aux parents le visa et le refusent aux enfants. Ils ont ainsi opposé un Niet à des enfants de 13 ans, 14 ans à l'opposé de leurs parents», s’insurge Leila, voyagiste, qui a l’habitude de déposer des centaines de demandes par jour pour le compte de ses clients, interrogée par Le360, ce vendredi 19 novembre devant le siège de TLS à Casablanca.
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Le refus de visa pour la France touche toutes les catégories sociales, mais est particulièrement préjudiciable aux conducteurs travaillant avec des entreprises du Transport international routier (TIR). C’est ce que nous confie, Oussama, un chauffeur croisé lui aussi devant le siège de TLS, qui postule pour la troisième fois en vingt jours, après s’être vu refuser le visa à deux reprises. «J’ai demandé un visa chauffeur routier et j’en ai déjà obtenu à neuf reprises dans ma carrière. On me l’a refusé deux fois sous prétexte d’absence de motivation valable pour voyager». Ce trentenaire, dont la seule source de revenu est tributaire de ce visa, se dit lourdement impacté et pénalisé par ces mesures restrictives imposées par les autorités françaises. «Pas de visa, pas de travail», déplore Oussama.
«Vous avez des gens à qui la France a déjà délivré un visa à plusieurs reprises et qui se voient aujourd’hui refuser le même visa. Pire encore, les frais ne sont pas remboursés. C’est injuste et incompréhensible», dénonce une candidate au visa pour la France. Cette mère casablancaise, accompagnée de ses deux enfants, est venue elle aussi déposer une demande de visa chez TLS. Elle ne voit aucune raison valable qui pourrait justifier le refus de sa demande. «Mon dossier est complet. J’ai l’habitude de me rendre en France, on ne m’a jamais refusé le visa. Mais si c’est le cas cette fois, je ne vais plus postuler», confie-t-elle.
La voyagiste Leila est d’autant plus inquiète que les frais de dossiers ne sont jamais remboursés, y compris en cas de rejet. Pour demander un visa français, il faut compter au moins un total 1.188 dirhams dont 328 dirhams au titre des frais de TLS.
Leila dit tirer son chapeau à l’Espagne. «Il y a bien eu une crise avec l’Espagne, mais cela ne s’est jamais répercuté sur l'octroi des visas aux Marocains». Des demandeurs marocains obtiennent des visas pour une durée de 5 ans si leur dossier le justifie, précise-t-elle. «Ce qui n’est pas le cas de la France malheureusement. Je connais une personne, un docteur biologiste, qui s’est vu refuser le visa alors qu’il a l’habitude de l’obtenir pour une durée de quatre ans, sans problème, depuis 20 ans», témoigne cette professionnelle du voyage.
Aux yeux de Leila, cette situation est surréaliste: «Lorsque l’on demande les motifs du refus du visa tourisme à une personne qui possède 50 millions de dirhams sur son compte bancaire, on nous répond que les motivations et les garanties feraient défaut. C’est complètement aberrant!», témoigne Leila qui n’hésite pas, sur un ton ironique, à proposer aux consulats de France de suspendre les demandes de visas au lieu de continuer à opposer son refus systématique et totalement injustifié.
Leila exhorte les Marocains à ne plus déposer de demandes de visas pour la France. Pour elle, c'est la seule façon efficace pour porter les autorités françaises à reconsidérer leur politique des refus quasi-systématiques, tout en continuant d’engranger des recettes pour chaque dossier déposé.