"On a de la chance! Le pape vient en Afrique, il va regrouper des communautés venues de tous les horizons dans un pays musulman: c'est extraordinaire", confie Ernould Kumba, 27 ans, originaire du Congo-Brazzaville.
Le 10 mars, premier dimanche de carême, une foule compacte s'entasse sous la nef. On repère quelques rares visages blancs, touristes de passage et "expats" - comme le père Daniel nomme les Européens venus travailler ou jouir de leur retraite sous le soleil du Maroc.
Tous les autres viennent de différents pays africains pour étudier, travailler ou tenter de rallier le continent européen.
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"Ils apportent un souffle nouveau, je n'ai jamais vu d'église aussi jeune, avec une moyenne d'âge de 30-35 ans", s'enthousiasme le père Daniel, le responsable de la paroisse de Rabat.
Le Maroc compte 30.000 à 35.000 catholiques, dix fois moins qu'avant son indépendance, en 1956. Il y avait 200 églises à l'époque de la colonisation française et espagnole, il en reste aujourd'hui 44.
Les églises ont été sauvées de l'abandon par l'affluence des Subsahariens, arrivés en deux vagues: les étudiants dans les années 90, attirés par le système de bourses universitaires, les migrants depuis une dizaine d'années, portés par leurs rêves d'eldorado européen.
"Julienne, Côte d'Ivoire. Jason, Guinée Bissau. Bienvenue, Bénin. Yvette, Gabon. Jean-Pierre, Guinée Conakry"... les 42 futurs baptisés qui s'avancent vers l'autel viennent tous du sud du Sahara.
"Vous venez de tous les peuples et de tous les pays", lance Mgr Romero, l'évêque de Rabat qui prêche avec un fort accent espagnol. Les choristes en robes blanches et noires entonnent un chant sur un rythme africain. Une lecture en portugais précède la prière du Notre-Père en arabe.
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«Ça fait plaisir de voir une église vivante et pleine", commente Florence, une Parisienne pratiquante âgée de 37 ans, de passage à Rabat.
Lizzie, 20 ans, prépare son baptême avec ferveur: cette étudiante ivoirienne n'était "pas très croyante" quand elle vivait à Abidjan mais "tout a changé" depuis qu'elle étudie le droit au Maroc. "Ce n'est pas facile, ici, et la foi est un grand secours", dit-elle.
Une lecture évoque la "misère, la peine, l'oppression" des peuples nomades chassés d'Egypte. Les fidèles écoutent avec attention, beaucoup vivent au quotidien l'âpreté de l'exil et fréquentent l'église pour "créer de la fraternité", comme dit Jean-Baptiste, lui aussi Ivoirien.
"Certains musulmans pensent qu'on n'a pas le même dieu et qu'on finira en enfer mais la venue du pape sera l'occasion de réunir les communautés et les religions", espère Cyrvine, 24 ans. Cette étudiante congolaise chante avec la chorale et attend "avec impatience" le souverain pontife.
"La pression monte", confie Ernould Kumba, en charge des répétitions des choristes.
Le pape François a été invité par le roi et "Commandant des Croyants" Mohammed VI pour une visite "placée sous le signe du développement du dialogue inter-religieux", selon une note de presse publiée par les autorités marocaines. Pour l'archevêque de Rabat, c'est une "occasion unique" de montrer "que nous valorisons plus ce qui nous unit que ce qui nous divise".
"Recevoir le pape, c'est une preuve d'ouverture pour un pays musulman", estime Xavier, un Français de 45 ans qui se présente comme un "bouddhiste" venu à la messe avec une amie.
"C'est vrai que par rapport à d'autres pays arabes on a une certaine liberté", confie Mohamed. Ce Marocain, âgé de 70 ans, s'est converti au catholicisme en 2016, "convaincu par les prêches de frère Rachid", fils d'un imam marocain et animateur de la chaîne satellitaire Al Hayat TV, basée en Égypte.
"Ce n'est pas toujours facile, mais je ne me cache pas", dit Mohamed avec une certaine fierté. L'équipe paroissiale, elle, préfère "éviter de mettre en avant les fidèles marocains" car "c'est un sujet sensible".
Au terme de la Constitution marocaine, l'"islam est la religion de l'Etat, qui garantit à tous le libre exercice des cultes" mais le code pénal punit le "prosélytisme" de six mois à trois ans de prison.