Voici pourquoi les universités publiques marocaines se vident de leurs matières grises, selon un enseignant-chercheur

Des étudiants en cours magistral, à leur pupitre, dans un amphithéâtre d'université. 

Des étudiants en cours magistral, à leur pupitre, dans un amphithéâtre d'université.  . DR

Les universités publiques marocaines se vident de leurs matières grises. Plusieurs demandes de démissions et de départs volontaires des enseignants-chercheurs ont été dernièrement constatées par le ministère de l’Enseignement supérieur. Cette vague de départs questionne les conditions de travail des enseignants-chercheurs.

Le 17/10/2022 à 11h39

Profond malaise, en ce qui concerne la profession d’enseignant-chercheur dans les universités marocaines. Dans une lettre, le 6 octobre 2022 aux responsables de son département, Abdellatif Miraoui, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, a précisé que le ministère a dernièrement reçu plusieurs demandes de démissions et de départs volontaires à la retraite d'enseignants-chercheurs, approuvées par leurs supérieurs hiérarchiques.

A cet égard, selon le ministre de l’Enseignement supérieur, son département aura, au cas où ces départs sont approuvés, un manque considérable en enseignants-chercheurs. Il appelle donc à ne plus approuver ces demandes et à privilégier l’intérêt général. Ces départs massifs d'enseignants-chercheurs remettent en effet en question l’environnement de travail du cycle supérieur.

Commentant la décision du ministre, Abdellatif Miraoui, Omar Tanane, membre du Syndicat National de l'Enseignement Supérieur (SNESUP), et professeur en chimie-innovation à l’Université Hassan II de Casablanca, explique que cette situation reflète le manque d’attractivité de la profession, ce qui nuit à l’image du pays et à son système éducatif.

Interrogé par Le360, Omar Tanane ajoute que les enseignants-chercheurs qui choisissent de quitter la profession, ne font que faire valoir un droit garanti par le statut général de la fonction publique. «Comme le dit un proverbe marocain, les chats n'ont pas pour habitude de fuir les ripailles d'une cérémonie de mariage», poursuit-t-il.

La dégradation des conditions de travail des enseignants est une source d’épuisement de l’enseignant, déclare cet enseignant-chercheur, qui ajoute que le manque de matériel pédagogique rend les conditions d’apprentissage difficiles, et démotive de plus en plus l’enseignant-chercheur.

«Nous constatons une raréfaction des ressources financières pour faire de la recherche scientifique. Le budget accordé est de plus en plus réduit et dérisoire, alors que nous avons besoin de matériel pour faire des travaux pratiques, surtout pour les branches scientifiques... Ainsi que l’enseignant-chercheur est censé initier des projets de recherche», explique cet interlocuteur.

A cela, s’ajoute un grand manque en capital humain qualifié, explique ce syndicaliste, qui précise qu’un enseignant-chercheur qui a cumulé une expérience de plusieurs années, ne pourra pas être remplacé par un nouvel enseignant. Selon Omar Tanane, une riche expérience ne pourra jamais être rattrapée du jour au lendemain. 

D’après Omar Tanane, la revalorisation du salaire des enseignants-chercheurs, qui est resté gelé il y a plus de vingt ans, pourra rendre ce métier plus attractif et motiver les enseignants du cycle supérieur à s’investir dans la recherche scientifique et à contribuer à l’amélioration de la qualité de l’enseignement supérieur. 

Par Ihssane El Zaar
Le 17/10/2022 à 11h39