La 18ème édition du Festival National du Film de Tanger s'est achevée la semaine dernière par une cérémonie de clôture parfaitement organisée par le CCM dans le Centre Culturel Ahmed Boukmakh, ce bel endroit dirigé avec doigté par la poétesse Widad Benmoussa.
Les quinze longs-métrages en compétition ont donné au Jury du fil à retordre. Chacun avait ses mérites. Le Grand Prix est revenu au poignant “Pluie de sueur” de Hakim Belabbes. Hicham Lasri a eu droit au Prix du Jury avec “Headbang Lullaby” et Ahmed El Maanouni s'est vu remettre le Prix de la réalisation.
Ce qui m'a le plus étonné et ravi, après avoir vu ces quinze films (plus quinze courts-métrages), c'est l'image étonnamment diverse qu'ils donnent du Maroc. Il ne s'agit pas seulement des paysages mais aussi des langues – on a eu du tarifit (sous-titré en... italien), du tamazight, de l'anglais (le court-métrage “Neverness”), de la darija de Boujad, de Casablanca ou de Marrakech, du français, de l'arabe littéraire (dans le court-métrage “La route vers les vers” qui a reçu une mention spéciale) et même du néerlandais mélangé au tarifit... Il y a aussi la diversité des situations, des points de vue, des intentions des réalisateurs et des scénaristes. Chacun portait un message unique, une vue personnelle du monde.
Je crois qu'on n'insistera jamais assez sur ce concept: la diversité. C'est peut-être notre richesse la plus importante.
Faisons un cauchemar : imaginons qu'un des partis ou une des sectes qui plaident pour un “art propre” et ne conçoivent la culture que comme ancillaire de la religion arrivent –réellement– au pouvoir. Combien de ces films auraient reçu une subvention du CCM si celui-ci avait été sous la coupe d'un de ces partis? Combien auraient reçu un visa d'exploitation? Dans “À la recherche du pouvoir perdu”, le héros, un général fumant cigare et buvant force whiskies, rencontre sa future femme dans un cabaret où elle pousse la chansonnette. Ami lecteur, sauras-tu trouver les deux ou trois motifs de censure qui figurent dans cette seule phrase? Dans le très divertissant “Hayat”, un “road-movie” qui se passe presqu’entièrement dans un car, un bigot aussi borné que barbu bat violemment sa femme parce qu'elle a eu l'audace d'esquisser quelques pas de danse pendant une pause le long de la route. Aurait-on approuvé le scénario? Dans l'attachant “Voyage de Khadija”, une longue discussion sur la question de l'héritage –Khadija veut hériter de la même part que ses frères– serait passée à la trappe.
Je crois qu'on pourrait prendre chaque année les films montrés au FNF de Tanger comme un miroir de notre bien le plus précieux: la diversité. Restons vigilants...