A Casablanca, ils sont en train de creuser une nouvelle ligne de tram dont le terminus se trouvera à l’entrée du célèbre parc de la Ligue arabe, dit Yasmina. «Ils», c’est les gens qui décident du sort de la ville. Ils ont la bonne foi et les bonnes intentions, mais ils ne savent pas toujours par quel bout prendre cette ville magnifique.
Ce fameux parc, qui a été construit à l’époque coloniale, vient d’être rénové et il a besoin que ses deux berges soient enfin rassemblées. Au lieu d’effacer l’avenue asphaltée qui le coupe en deux, et d’en faire une magnifique allée piétonne, voilà qu’ils creusent pour installer une double voie pour le tram.
A quelques mètres de ce parc, il y a un théâtre magnifique qui se tient prêt depuis plusieurs mois déjà. Mais il n’est toujours pas inauguré. Il attend.
Au lieu d’inaugurer ce théâtre que toute la ville de Casablanca attend depuis la démolition de l’ancien théâtre municipal, «ils» vont ouvrir d’autres chantiers. Encore et encore. Alors ils s’en prennent à ce parc Yasmina. Ils ont mis des années à le rénover. Et voilà qu’ils veulent absolument le «connecter». Mais pourquoi?
Au problème du trafic automobile, ils vont rajouter donc un deuxième problème: celui du tram. Les gosses sortiront en courant du parc et se faufileront entre les voitures et les wagons. Les risques d’accident, déjà importants, se multiplieront par deux.
Les travaux, en cours depuis de longs mois, sont loin, très loin d’être finis. Tout le périmètre, qui constitue la plaque tournante du vieux centre-ville casablancais, se voit transformé en champ de ruines.
Ils font et refont les chaussées, déplacent les trottoirs ou les défoncent, implantent des feux et des panneaux de circulation avant de les enlever quelques jours plus tard, recrutent de nouveaux policiers pour tenter de désengorger le trafic, font travailler des équipes de nuits, obligent plusieurs commerces à fermer boutique, etc.
Ce décor de film de guerre au tournage interminable va accompagner les Casablancais pour quelques mois encore, peut-être quelques années. Pour quel résultat?
Au final, quand tout sera enfin prêt, et quand la vie reprendra un cours normal, ils réaliseront l’ampleur des dégâts: trop d’accidents de voiture, de tram, trop d’insécurité. Alors ils se réuniront de nouveau pour statuer sur un nouveau projet, le énième pour cette place névralgique de Casablanca. Voyons, se diront-ils, et si on commençait par fermer la circulation automobile? Mieux encore, et si on fermait cette ligne de tram une bonne fois pour toutes?
Il y en aura même un qui va dire: «Mais comment ont-ils décidé de mettre un tram pour couper le parc en deux? C’est absurde, ridicule.»
Alors ils vont amener des pelleteuses. Encore et encore. Pour couper la circulation, dévier le trafic, creuser le sol, et transformer le quartier en champ de bataille. Ils passeront des mois, voire des années, à défaire ce qu’ils ont fait.