Il faut beaucoup aimer le Maroc pour accepter certaines humiliations et continuer de les trouver «normales». C’est comme ça, dit-on, c’est le Maroc, c’est la mentalité, tu fais avec!
Alors on fait avec et on voyage avec. Mais voyager au Maroc, c’est difficile. Surtout quand on est deux. Je ne parle pas de l’état des routes mais des mentalités. Les réseaux routiers se sont beaucoup améliorés, au moins ces vingt dernières années. Mais certaines mentalités…
Quand vous vous présentez en couple, tout sourire, tout amour, devant un hôtelier, la première chose à laquelle il pense: «C’est qui, elle ?». Dans le même temps, il se demande en fronçant les sourcils pour adopter son air le plus sévère: «C’est qui lui, pour se pointer comme ça dans les bras d’une femme qui n’est peut-être pas sa femme? Est-il au moins riche ou connu, pistonné, est-il un homme important pour prendre tous ces risques?».
Le bonhomme a les yeux laser. Son regard inquisiteur parle très fort. Il traduit son malaise et sa désapprobation. Alors il dévisage votre femme, il «décompose» son corps, espérant trouver une réponse aux questions qui le tourmentent («Sa femme? Petite amie? Prostituée?»). Il scrute ses yeux, ses cheveux, son rouge à lèvres, son sac à main, sa robe, dans l‘espoir de trouver une réponse. Puis il ne la regarde plus et fait comme si elle avait disparu. L’hôtelier règle l’affaire avec le tuteur, c’est-à-dire l’homme: «Acte de mariage sivouplaît?».
Un jour, un hôtelier avait poussé plus loin: «Vous savez, m‘a-t-il dit avec un sourire de renard, si je ferme l’œil, le policier qui contrôle nos registres ne va pas fermer l’œil, alors…».
Alors il faudra aller dormir ailleurs. A moins de négocier, bien entendu. Ce qui revient à prendre des chambres séparées, les payer comme des doubles et oublier quelques billets dans la poche de votre aimable hôtelier. En espérant que tout se passe bien, inchallah!
Bien sûr, l’affaire se complique encore quand le couple est mixte. L’hôtelier ne s’adresse plus à l’homme mais à la personne qui détient un passeport non-marocain. «Vous n’avez pas le droit de passer la nuit avec un(e) Marocain(e) si vous n’êtes pas mariés… Je veux bien fermer l’œil, mais le policier qui contrôle les registres ne voudra pas fermer l’œil, walou, impossible, sauf si…».
Je ne sais pas si ce genre de problème trouvera une solution dans la vision 2020 ou 2030 du tourisme national. Il ne s’agit pas de légaliser la prostitution mais de trouver une place pour le tourisme de couple, ce filon inexploité au Maroc.
Parce que des couples qui s’aiment, voyagent et passent la nuit ensemble, ça existe. Avec ou sans «l’acte»!