Les grèves des étudiants en médecine ont toujours été très spectaculaires. Pour un rien, on arrive au pire. Il devient alors difficile de faire la part des choses. Mais il y a toujours moyen de simplifier pour mieux comprendre, en essayant de revenir à l’essentiel.
Le problème actuel peut être résumé à une lutte entre le public et le privé. C’est un problème moral. Depuis cinq ans, le Maroc a ouvert l’enseignement de la médecine au secteur privé. Ces études coûtent cher et l’encadrement y est meilleur. Mais seule une élite y a accès.
Déjà, à ce niveau, la discrimination de facto entre étudiants publics et privés est terrible et certainement dure à accepter.
Les premières promotions de cette médecine privée arrivent aujourd’hui au moment clé où ils doivent postuler pour le résidanat. Les étudiants «normaux», c'est-à-dire issus de l’enseignement et de l’hôpital publics, disent non. Impossible. Ce n’est pas juste.
La question se complique quand on sait que le nombre d’élus, après concours, restera le même. Cela veut dire, en langage courant, que les privés vont forcément «piquer» des places aux publics. Ces derniers crient à la concurrence déloyale.
Voilà tout ce que nous avons besoin de savoir pour cette énième crise qui secoue la médecine et l’enseignement supérieur. Le reste est détails.
Le problème avec le public et le privé, c’est qu’on le traduit trop souvent par une histoire de lutte entre le bien et le mal. C’est une erreur logique, si l’on peut dire, puisque le Maroc est un pays en manque (de médecins, de structures de soins et de système de couverture sociale large et fiable).
Alors on tire trop vite sur le privé parce que, sur un terrain déjà déséquilibré, il ajoute à la confusion et approfondit le fossé qui sépare les riches des pauvres, ou les privilégiés des autres.
Pour connaitre un peu l’enseignement de la médecine au Maroc, il faut souligner que les problèmes qui se posaient il y a 30 ans, ou 40 ans, c’est-à-dire bien avant l’apparition du privé, étaient déjà les mêmes. Les étudiants qui criaient hier au scandale sont aujourd’hui passés de l’autre côté, ils exercent des fonctions de responsabilité dans le privé ou dans les appareils d’Etat. Et ils défendent aujourd’hui ce qu’ils dénonçaient hier!
Il n’y a pas de morale à cette histoire. Ou alors, si. Mais elle est classique. Ce n’est pas les hommes qu’il faut changer, mais le système. Sérieux? Comment ? Les hommes ne sont-ils pas aussi responsables du système qui les opprime?
Il faut quand même garder en tête que les étudiants du public ont raison, et que ceux du privé aussi. Quand les uns ou les autres sont lésés, ils vont le dire et se mettre en grève. Ils ont cette possibilité pour faire valoir leurs droits.
Seuls les malades ne peuvent pas se mettre en grève, quand ils seront mal soignés ou mal reçus demain ils le seront par ces mêmes médecins, dans le public ou le privé.